MARIE-GALANTE, TERRE D'HISTOIRE(S)
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1789 : A Paris, 760.000 habitants, c’est le début de la Révolution Française :
- 5 mai : Début des Etats Généraux réunissant à Versailles 1.164 députés : 270 pour les 400.000 Nobles, 291 pour les 140.000 membres du Clergé et
603 députés du Tiers-Etat, dont 477 appartenaient à la franc-maçonnerie, la Révolution française n'a pas été celle du peuple...
Les colonies ne sont pas représentées...
Discours de Necker lors de l’inauguration : " Un jour viendra peut-être où associant à vos délibérations  les députés des colonies, vous jetterez un regard de compassion sur ce malheureux peuple dont on a fait tranquillement un barbare objet de trafic, sur ces hommes semblables à nous par la pensée et surtout par la faculté de souffrir, sur ces hommes … que nous entassons au fond d’un vaisseau pour aller ensuite à pleines voiles les présenter aux chaînes qui les attendent… "
- 10 juin : Scission du Tiers Etat et de quelques députés des 2 autres Ordres qui se déclare Assemblée Nationale : Louis XVI fait fermer la salle des Etats…
- 20 juin la nouvelle Assemblée siège par défaut dans la salle du Jeu de Paume et entrainée par Bailly, député de Paris, fait le Serment de siéger jusqu’à rédaction de la nouvelle constitution, prenant le nom d’Assemblée Constituante.
- 14 juillet, Prise de la Bastille par les " émeutiers " et massacres urbains…
- 15 juillet, Louis XVI retire ses troupes de Paris.
- 17 juillet, Louis XVI se rend à l’Hôtel de Ville et accepte la cocarde tricolore aux couleurs de Paris.
- 4 août, Abolition des Privilèges.
- 20 août, 1ère réunion du Club des Colons résidents à Paris, dit Club Massiac, menés par Gouy d’Arcy et Moreau de Saint Méry, pour empêcher l’Assemblée de prendre des mesures contre les intérêts des colons.
- 26 août, Déclaration des Droits de l’Homme et des Citoyens.
- 22 septembre : Les colons blancs de la Guadeloupe obtiennent de la Constituante par décret leur première représentation avec 2 députés : De Curt et De Galbert. La Martinique en obtient 2, St Domingue 6.
- 10 octobre, l’Assemblée Constituante déclare Louis XVI monarque constitutionnel.

En Guadeloupe, l’arrivée de la Cocarde tricolore en octobre déclenche les premiers troubles…
Le gouverneur De Clugny " fait publier partout, au son du tambour, que les esclaves qui porteraient la cocarde seraient fusillés sur la place publique ". Il craint une collusion entre les libres de couleur et les esclaves…
Un Te Deum est chanté à Basse-Terre en l’honneur de la réunion des 3 Ordres, avec bénédiction du drapeau national.
A Pointe-à-Pitre, on fête aussi le drapeau de la liberté, mais on réclame l’égalité avec Basse-Terre : on veut aussi un entrepôt et des députés…
Les manifestations sont réprimées par le commandant en second, le vicomte d’Arrot.
D’où une menace de scission entre la Basse-Terre et la Grande-Terre.
Le 19 octobre, De Clugny convoque l’Assemblée Coloniale, qui se déclare non compétente…
Une autre assemblée est donc décidée dans un lieu qui puisse concilier les prétentions de 2 villes : le 1er décembre, une Assemblée coloniale spéciale se réunit à Petit-Bourg.
Elle renonce à la scission et élit 3 députés à la Constituante : Chabert de la Charrière, Nadal de Saintrac pour la Guadeloupe et Robert Coquille, sénéchal de Marie-Galante.


A Marie-Galante, on n'est informé que tardivement de la convocation des États Généraux et on ne sera informé des évènements de juillet qu’en septembre…

1790 : En France :
- Le 8 mars, un décret organise les municipalités.
- Le 28 mars, un décret autorise les colonies à élire au suffrage universel des Assemblées locales chargées de « faire connaître leurs vœux sur la Constitution, la législation et l’administration qu’ils souhaitent », le droit de vote étant étendu aux libres de couleur de plus de 25 ans.
Création d’un Comité des Colonies à l’Assemblée. Barnave, piloté par le Club Massiac, remet un rapport qui remet l'administration interne des colonies à des Assemblées Coloniales élues par les seuls colons blancs. La compétence législative de l'Assemblée Locale est limitée aux matières commerciale et militaire.
- Le 14 juillet est fêté pour la 1ère fois en tant que Fête de la Fédération, célébrant la Fraternité…


En Guadeloupe :
Le 12 février, l’Assemblée coloniale prend un arrêté qui exclut de la liberté de la presse " tous les ouvrages et écrits traitant de la philanthropie "
Le 21 avril, l’assemblée coloniale prend un arrêté qui interdit à tout étranger de débarquer dans la colonie s’il ne dispose pas d’un répondant sur place et d’un cautionnement : on craint l’arrivée d’activistes révolutionnaires…
Le 25 avril, 3 députés partent pour l’Assemblée Nationale : Nadal de Saintrac et Chabert de la Charrière pour la Guadeloupe et Robert Coquille pour Marie-Galante. Ils arriveront à Paris le 22 juin.
Pour ne pas se déjuger, l’Assemblée Nationale garde les 2 députés déjà élus à Paris, la Guadeloupe se trouve avec 5 représentants…
Le 28 mai, un Arrêté du gouverneur, promulgué à la demande de l’Assemblée Coloniale, devenue Assemblée Générale Coloniale, fait appliquer le Décret de la Convention du 8 mars en créant les municipalités de Basse-Terre et de Pointe-à-Pitre : elles sont dotées d’un bureau municipal composé du maire et de 6 membres, d’un conseil général municipal composé du bureau et de 12 citoyens, chaque quartier dispose d’un comité de paroisse et d’un juge de paix. Les anciennes milices sont transformées en gardes nationales.
En juillet, insurrection du régiment de la Guadeloupe, vite repris en main…
Le 1er septembre, révolte de la garnison de Vieux Fort.
Le 1er octobre, les " Confédérés des Isles Guadeloupe, Ste Lucie, Tobago et Marie Galante " écrivent au gouverneur de Damas, après avoir " délibéré sur les moyens de ramener la paix " pour " établir des propositions pour une réconciliation générale "

En novembre, insurrection de " patriotes " contre le gouverneur de Clugny à Basse-Terre, qui sera mis en arrestation temporairement pendant 17 jours en novembre.
Le 20 novembre, l’assemblée coloniale fait appel à toutes les paroisses pour dénoncer les agitateurs.
Le 26 novembre, Jean-Baptiste Thyrus de Pautrizel, républicain  progressiste radical, est élu maire de Basse-Terre le 15 octobre aux premières élections municipales, réservées aux blancs, il s’oppose rapidement au gouverneur progressiste modéré…
En décembre, insurrection de la garnison de Basse-Terre…


A Marie-Galante, le port de la cocarde tricolore est arboré par les habitants, à l'exception du commandant militaire, le marquis de Ségur d'Aguesseau.
" Les Marie-Galantais font comprendre au ci-devant marquis que son acte d'insubordination est déplacé, ce d'autant que des dissensions se sont élevées aux Isles du Vent (Guadeloupe, Martinique, Tobago, Sainte-Lucie) entre patriotes et aristocrates,  aggravées par le comportement des Assemblées coloniales de  Martinique  et  de  Guadeloupe, prétendant  toujours brandir le pavillon blanc pour manifester leur fidélité au Roi Louis XVI "
Ségur d’Auguesseau est remplacé par Emmanuel Joseph Desnoyers, lieutenant-colonel d'infanterie, précédemment lieutenant de Roi à Basse-Terre.


1791 : La Révolution suit son cours en France, avec quelques épisodes marquants :
- 7 mai, début du débat sur les colonies à l’Assemblée, Barnave se fait le porte-parole des planteurs.
- 11 mai, discours à l’Assemblée de l’Abbé Grégoire demandant l'application des Droits de l'Homme aux gens de couleur : " Ce projet de décret renferme les objets de la plus haute importance ; il s'agit d'anéantir la Déclaration des droits de l'homme "
Grégoire ne ménage pas ses attaques contre les représentants du club Massiac : " Parce qu'il vous faut du sucre, du café, du taffia, indignes mortels, mangez plutôt de l'herbe et soyez justes. "

- 13 mai, déclaration de Robespierre : " Dès le moment où, dans un de vos décrets, vous aurez prononcé le mot esclave, vous aurez prononcé et votre propre déshonneur et le renversement de votre Constitution... Eh ! Périssent vos colonies, si vous les conservez à ce prix... " : la Convention maintient l’esclavage dans les colonies…
- 15 mai, la Constituante vote l’amendement  Rewbell " les hommes de couleur, nés de père et mère libres " sont considérés comme citoyens et admis à voter.
- 20 juin, fuite de Louis XVI et de sa famille, arrêté à Varennes le 21 juin.
- 3 septembre : 1ère Constitution de le République. 14 septembre : serment du Roi à la Constitution, il devient " Roi des Français ".

- 24 septembre : Fin du débat sur les colonies à l'Assemblée. Robespierre prononce un discours dans lequel il réclame la liberté totale et les droits civiques pour les hommes de couleur. Mais, après des hésitations, l'Assemblée suit le traître Barnave. L'amendement Rewbell est supprimé…

En Guadeloupe, le 25 avril, 3 députés partent pour l’Assemblée Nationale : Nadal de Saintras et Chabert de la Charrière pour la Guadeloupe et Robert Coquille pour Marie-Galante. Ils arriveront à Paris le 22 juin. Pour ne pas se déjuger, l’Assemblée Nationale garde les 2 députés déjà élus à Paris, la Guadeloupe se trouve avec 5 représentants…

Un Arrêté du gouverneur du 28 mai, promulgué à la demande de l’Assemblée Coloniale, devenue Assemblée Générale Coloniale, fait appliquer le Décret de la Convention du 8 mars en créant les municipalités de Basse-Terre et de Pointe-à-Pitre : elles sont dotées d’un bureau municipal composé du maire et de 6 membres, d’un conseil général municipal composé du bureau et de 12 citoyens, chaque quartier dispose d’un comité de paroisse et d’un juge de paix. Les anciennes milices sont transformées en gardes nationales.


La tension monte entre la municipalité de Basse-Terre et le gouverneur à Pointe-à-Pitre : la municipalité qui dispose de l’appui des gardes nationaux, essaie de récupérer celui du régiment de Guadeloupe.
Le 17 juillet, De Clugny descend à Basse-Terre, appuyé par le régiment de Guadeloupe et 2 frégates dans la rade, il fait dissoudre les chasseurs de la Garde Nationale.
Le 12 septembre, l’Assemblée Coloniale dissout la municipalité de Basse-Terre "progressiste radicale" de Pautrizel.
Le 15 septembre, pétition à Goyave de libres de couleur qui réclament l’application de la loi du 15 mai sur la citoyenneté.
Dans le même temps, insurrection d’une compagnie de grenadiers à Pointe à Pitre : Clugny s’y rend pour tenter une conciliation…
Le 20 novembre, suite du bras de fer politique : Pautrizel reprend la municipalité avec la même équipe…
Le 20 décembre, l’Assemblée coloniale prend un arrêté qui donne une existence politique aux "gens de couleur libres" que signe Clugny le 21 :

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A Marie-Galante, Robert Coquille a démissionné de son mandat de député à la Constituante le 16 mai, il rentre dans l’île reprendre son poste de juge sénéchal et son habitation sucrière de Capesterre qu’il avait laissé en gérance à sa 2ème femme Cognet Lebrun.
En décembre, découverte d’un complot en vue d’un soulèvement des esclaves, organisé par un mulâtre libre de St Domingue, Bonhomme et son complice Zéphir. L’attaque était prévue pour Noël, avec incendie et pillage du bourg…
On retrouve à son domicile le tableau de recensement de chaque colonie, avec le nombre des habitants blancs et de couleur...
Les deux comploteurs sont arrêtés, jugés, condamnés et pendus.


Les Anglais sont installés aux Saintes, dont ils ont fait leur quartier général, prêts à fondre sur Marie-Galante…

1792 : En France, la Révolution s'amplifie :
- 27 mars : Décret accordant aux hommes libres de couleur l'égalité civique. En réalisant une partie du programme de la Société des Amis des Noirs, ce texte consacre la défaite du club Massiac qui sera fermé par décret en 1794). De nouvelles élections sont prévues.
- 20 avril : Sous la pression de Brissot et des Girondins, l'Assemblée vote la guerre contre la coalition avec 745 voix sur 750.
- 11 juillet : L’Assemblée déclare la patrie en danger.
- 10 août : Commune insurrectionnelle des « Sans culottes » dirigés par Pétion et Marat. Elle aboutit à l’élection de la Convention et suspension du Roi.
- 17 août : Création du Tribunal Révolutionnaire.
- 19 août : Les troupes Prussiennes et Autrichiennes entrent en France.
- 22 août : Loi organisant la représentation des colonies à la Convention : 4 députés pour  la Guadeloupe, 3 pour la Martinique et 12 pour St Domingue. Coquille-Dugommier refuse sa nomination, seuls Dupuch et Serâne (de Marie Galante) puis Pautrizel seront députés de la Guadeloupe.
- 2 / 6  septembre : 1ère Terreur avec massacres des prêtres et des contre-révolutionnaires dans les prisons.
- 20 septembre : Victoire des troupes de la République contre les Prussiens à Valmy, aux cris de " Vive la Nation ! "
- 21 septembre : Louis XVI est détrôné par la Convention qui abolit la monarchie : il devient Louis Capet…
- 22 septembre : 1er jour de l’An 1 de la République.
- 8 novembre : Décret qui punit de mort les émigrés qui rentreraient des colonies.
- 22 novembre : Décret nommant 4 commissaires civils pour les Isles du Vent : Chrétien, Coroller, Jeannet et Antonelle.


Pour les Iles du Vent, la Convention envoie 2 nouveaux gouverneurs : le Général Donatien Marie-Joseph de Vimeur, vicomte de Rochambeau, pour la Martinique et le Général Georges-Henri Collot pour la Guadeloupe : les Gouverneurs en place empêchent le débarquement de Collot en Guadeloupe en juin et de Rochambeau en Martinique en septembre, ils doivent partir sur St Domingue, où Rochambeau devient gouverneur par intérim.

En Guadeloupe, le 23 mai, le gouverneur De Clugny convoque l’Assemblée coloniale à Pointe à Pitre pour le 4 juin, compte-tenu " que  les dernières nouvelles reçues de France sont on ne peut plus alarmantes pour les colonies…les circonstances exigent absolument que nous prenions un parti…"
Le 31 mai, De Clugny fait accorder les droits civiques aux libres de couleur, en application du décret du 28 mars, avec de nouvelles élections à prévoir.
Le 24 juin, élection d’une nouvelle Assemblée coloniale, ouverte aux libres de couleur, et élection des municipalités.
Le 11 juillet, première séance de la nouvelle Assemblée coloniale, notifiée par De Clugny par courrier dès le lendemain.
Le 25 juillet, après 3 années difficiles à la tête de la colonie en ce début de la Révolution, le baron de Clugny décède à 50 ans.
Il est remplacé par le commandant en second René Marie, Vicomte d’Arrot.
Les camps des révolutionnaires et des royalistes s'affrontent, lorsque se répand une rumeur selon laquelle Louis XVI serait revenu au pouvoir.
Le 10 août, les Royalistes reprennent le dessus, soutenus par le nouveau gouverneur, brûlent la cocarde tricolore et remettent la blanche…
Le 26 septembre, D’Arrot organise la force armée et appelle à servir dans les milices tous les blancs et hommes de couleur libres en âge de porter les armes. Quelques esclaves sont enrôlés, cela est interdit par un arrêté du 27 novembre.
Le 29 septembre, l’Assemblée coloniale, avec son nouveau président royaliste, Hurault de Gondrecourt, écrit une lettre ouverte aux " armateurs et négocians des ports de France " pour expliquer que la paix et la discipline sont revenues…


A Marie-Galante, le commandant militaire Desnoyers reçoit 2 lettres successives, datées du 8 puis du 12 octobre, où le gouverneur d’Arrot lui demande de remplacer le drapeau tricolore par le drapeau blanc.
Le 17 octobre, une copie du courrier du gouverneur est fournie à l’Assemblée municipale de Grand Bourg sur réquisition.
Le 19 octobre, Desnoyers arbore la cocarde blanche du camp monarchique.
Le 23 octobre, les représentants de l’Assemblée municipale de Grand Bourg se réunissent et élisent 4 commissaires.
A Capesterre, Dominique Murat est déjà président  de l’Assemblée municipale de Capesterre et le 24 octobre il est élu parmi les 4 commissaires chargés de représenter Capesterre à la nouvelle Commission qui se constitue.
Le 1er novembre, première réunion de la Commission à Grand Bourg avec les commissaires de Grand-Bourg et de Capesterre.
Deshaies est élu président et Besnié, secrétaire. Deshaies, Murat et Pellier sont chargés de rédiger le règlement intérieur.
La Commission invite Vieux Fort à convoquer une assemblée, à élire 4 commissaires.

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Le 6 novembre, la Commission reçoit le résultat des élections de Vieux Fort : sont nommés Brunel, Piérot, Acquet et Bonneterre-Roussel.
Les 12 membres prêtent serment civique : " Je jure d’être fidèle à la Nation, aux Loix qui ont été faites pour la Colonie, au chef suprême du pouvoir exécutif reconnu par la Nation et de remplir avec fidélité, zèle et intégrité tous les devoirs demandés à la Commission "

Le 7 novembre, la Commission délibère : " Considérant que l’isle Guadeloupe, ou plutôt son assemblée coloniale et son gouverneur, non content d’être dans un état de rébellion ouverte envers la métropole, cherchent encore par toute sorte de moyens à nous attirer dans l’abime qu’ils creusent sous leurs pas … La Commission ne doit ni ne veut se rendre complice de la rébellion de l’assemblée coloniale et de Mr D’Arrot contre la Nation… "
" La Commission arrête qu’elle dénoncera incessamment Mr D’Arrot et le commandant par intérim à la Nation…
Arrête que le pavillon national sera, ce jour, arboré au Fort et que messieurs les officiers municipaux de l'isle seront invités à veiller à ce que personne n'arbore aucun signe proscrit par le décret de l'Assemblée Nationale du 4 juillet dernier et à dénoncer au pouvoir judiciaire  ceux qui contreviendraient au présent arrêté…
Arrête qu’il sera notifié à Mr Desnoyers…que l’isle de Marigalante n’entend plus le reconnaître pour commandant particulier… qu’il lui soit notifié par le présent arrêté de sortir de l’isle sous vingt quatre heures, pendant lesquelles il lui sera donné une garde d’honneur…"
" Conséquence de cet arrêté, M M Murat, Roussel-Bonneterre et Pellier ont été nommés pour la notification d’icelui…"
Ce premier arrêté est signé Roussel-Bonneterre, Murat, Brunel, Pellier, Bequet, Prévost, Audrie fils, Hèloin, Bioche, Grévin, Deshaies et Besnié.

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C'est la naissance de la "République de Marie-Galante", aussi appelée République des Douze, puisque composée de ces 12 commissaires pour les 3 paroisses.

La Commission envoie l’officier municipal de Grand-Bourg, accompagné de 2 commissaires par paroisse chez le gouverneur Desnoyers. On lui annonce que sa présence à Marie-Galante est jugée indésirable et qu’il doit quitter la colonie dans les 24 heures et que pour sa protection, une garde de 50 citoyens lui est donnée en attendant son départ...
Le 8 novembre, la Commission se réunit : Bioche et Pellier étant absents, Magne prête serment comme suppléant. Deshaies est réélu comme président. Le départ de nuit de Desnoyers pour Basse-Terre est confirmé.

La Commission écrit à " Messieurs les commissaires civils et Monsieur le Commandant de forces de la Nation ", c’est-à-dire le général Rochambeau, réfugié à St Domingue : " Nous avons vu avec douleur se déployer autour de nous l’étendard de la révolte et ce signal être en tous lieux celui des proscriptions sanglantes et des supplices, ces tristes et douloureux évènements n’ont pu ébranler notre fidélité en la Nation…
Puisant dans l’ardeur de notre patriotisme l’énergie du Français libre, nous avons prononcé notre scission avec la Guadeloupe visiblement en rébellion.
Nous avons renvoyé notre Commandant pour avoir porté la cocarde blanche, nous avons enfin solennellement arboré le pavillon National sur notre fortin et fait à son ombre le nouveau serment d’être fidèle à la Nation, à la Loi et au chef suprême du pouvoir éxécutif…"
" C’est de vous que nous attendons la protection que mérite notre courage. C’est à vous que nous demandons un chef militaire patriote et un détachement nombreux pour concourir avec nous à la défense d’une Constitution que nous avons juré de maintenir jusqu’à la dernière goutte de notre sang…"

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Redoutant une interception, la Commission envoie le député Serane à la Dominique, chargé de  transmettre une copie de la lettre…
Le 11 novembre, Dominique Murat est élu comme Président de la Commission à la place de Deshaies.
Nouvelle décision importante qui déclare " affranchis et libres de fait les esclaves qui avaient bien mérité de la Colonie en lui dénonçant une insurrection qui était prête à éclater. "

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Le 12 novembre, Dumoulier de Lacombe prête serment comme suppléant devant la Commission.
Le député Serane rentre de la Dominique et avec lui quelques émigrés républicains, conduit par un septuagénaire Mr Joyeux qui fait un discours de fidélité à la Nation et se dit prêt à défendre ses bienfaiteurs…

Le 13 novembre, dernière réunion disponible intégralement aux archives...
Les commissaires de Vieux Fort rendent compte de leur visite des batteries, dont les affûts sont en très mauvais état.
Le commissaire de Grand Bourg chargé des batteries propose d’en installer une au cimetière.
Enfin, un impôt additionnel de 500.000 livres sera demandé à l’ensemble des colons.

La Commission rompt le principe de l'Exclusif, en ouvrant ses eaux aux navires Américains.


La Guadeloupe répond par un embargo sur les caboteurs qui ravitaillent Marie-Galante.
Le chef de l’amirauté de Fort-de-France, le commandant Rivière, envoie une de ses frégates croiser dans les eaux marie-galantaises.


L’embargo est contourné par les "balaous"(barques légères), Marie-Galante continue à commercer avec les îles voisines, en particulier la Dominique.
Le 23 novembre, Serane, député de Marie Galante, écrit à " Rochambeau et aux commissaires civils envoyés à la Guadeloupe à présent à St Domingue " :
" La colonie de Marie Galante fidèle au serment qu’elle a fait de deffendre la Constitution et de se soumettre aux seules lois qui émanent de l’Assemblée nationale a mieux aimé s’exposer à une guerre affreuse que se parjurer ; Ni sa faiblesse, ni la disette qui la menace en rompant tout rapport avec la Guadeloupe, rien ne l’a arrêté ; elle a prononcé sa scission avec cette noble fermeté qu’inspire une bonne conduite. Notre isle est devenue l’asile de ceux que la rage ennemie des contre-révolutionnaires a forcé d’abandonner leur foyer… Les citoyens de couleur ont juré de demeurer fidèles à la nation de qui ils tiennent leur existance politique, et fiers d’être aujourdhuy vraiment libres, ils mourront avec nous pour soutenir la cause sacrée que nous avons adoptée."

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Le 24 octobre, le Capitaine de Frégate Jean Baptiste Raymond de Lacrosse part de Brest sur La Félicité, envoyé par la Convention aux Antilles pour établir la République, avec le titre de Commissaire de la République. Il est chargé dans chaque île de remettre aux gouverneurs une copie des nouveaux décrets et de rendre compte au ministre de la conduite des agents civils et militaires.
Le 1er décembre, il arrive devant St Pierre de la Martinique : il apprend l’insurrection royaliste en Martinique et en Guadeloupe.
Il ne peut donc débarquer en Martinique, il arrive à la Dominique le 2 et écrit le 4 en rade de Roseau une lettre aux " Habitans de Colonies françaises des Antilles ".
Les patriotes de la Martinique et de la Guadeloupe réfugiés à la Dominique sont ravis de son arrivée, mais le gouverneur Bruce lui demande de partir le lendemain matin pour éviter la propagation de la Révolution…
Il arrive le 5 décembre à Ste Lucie, où il est accueilli avec enthousiasme par les patriotes, déjà acquis à la Révolution. Il est reconnu comme " le seul légitime commandant des forces de mer de la République Française aux Iles du Vent ". Il organise l’île selon les consignes de la Convention, le drapeau tricolore flotte bientôt sur Ste Lucie rebaptisée la Fidèle...

 
En Guadeloupe, le 7 décembre, D’Arrot adresse une proclamation aux Blancs, le 8 aux Hommes de couleur…
Le même jour, les Républicains, qui semblaient avoir disparus de la Guadeloupe, reprennent de l’importance avec la proximité de Lacrosse et la diffusion des ses proclamations : première assemblée officielle de Républicains sur le cours d’Ennery à Pointe-à-Pitre, dont 230 avec voix délibérative…
En Martinique et en Guadeloupe, des arrêtés des 2 gouverneurs du 10 et 13 décembre déclarent la guerre à la France républicaine et Lacrosse indésirable…

Le 11 décembre, Lacrosse écrit à la municipalité de Grand Bourg pour les féliciter de leur fidélité à la République.

La Commission des Douze lui répond :
" C'est avec la plus grande satisfaction que nous avons appris votre arrivée aux Iles-du-Vent, ainsi que le progrès des armes de la République. Quelques instants plus tard notre Itaque était peut-être en proie aux horreurs de la guerre civile ; mais l'union des bons citoyens et la fermeté de leurs représentants ont prévenu les malheurs, déjoué les machinations et détourné les effets en éloignant la cause.
Ce n'est pas, frère et citoyen, qu'il n'existe encore parmi nous quelques malveillants ; mais ils sont en partie connus, et c'est beaucoup.
Cependant nous avons besoin de votre protection, et s'il vous était permis de venir passer quelques instants parmi nous, votre présence réjouirait les bons citoyens, en imposerait aux méchants, dissiperait les doutes qu'ils ont répandus tant sur l'existence d'une frégate nommée la Félicité - ce nom leur est si peu connu - que sur les nouvelles dont vous nous avez donné le détail.
Elle échaufferait le zèle de quelques personnes bien intentionnées, mais faciles à circonvenir, encouragerait de plus en plus ceux que rien n'a pu ébranler, et porterait le dernier coup à l'aristocratie. Mais si l’intérêt de la république nous prive du bonheur de vous posséder, n'oubliez pas, frère et citoyen, que nous avons fait et que nous renouvelons le serment
serment de vivre libres et de mourir pour la liberté et l’égalité. "


Le 20 décembre, Lacrosse écrit une lettre au ministre depuis La Félicité, en rade de Castries, pour lui exposer les évènements survenus.
Le même jour, Pointe-à-Pitre est envahi par une foule d’hommes de couleur, et une partie du régiment du Forez sort avec la cocarde tricolore…
L’Assemblée coloniale de Guadeloupe envoie en Martinique 2 émissaires pour réclamer des renforts maritimes : 2 frégates, la Calypso et la Royaliste, sont envoyées aussitôt.
Le 28 décembre, le gouverneur d’Arrot prend position avec ses troupes sur l’habitation St Jean (aujourd’hui Jarry), en attendant l’artillerie des frégates.
Le 30, les patriotes installent une batterie sur l’Ilet à Cochons et tirent sur leurs adversaires. D’Arrot fait replier ses troupes.
Les "sans-culotte" de Pointe-à-Pitre prennent le dessus, la ville arborera bientôt la cocarde tricolore…


1793 : En France, la Révolution va déboucher sur la Terreur :
- 17 janvier : Louis Capet est condamné à la peine de mort par la Convention pour : « conspiration contre la liberté publique et la sûreté générale de l’Etat »
- 21 janvier : Louis XVI est guillotiné Place de la Révolution (Concorde actuellement)
- 5 mars : Déclaration de la Convention qui met toutes les colonies en état de guerre
- 10 mars : création du Tribunal Révolutionnaire
- 6 avril : création du Comité de Salut Public.
- 4 juin : discours de l’Abbé Grégoire à la Convention : " J’ai une autre demande à soumettre à votre humanité et à votre philosophie. Il existe encore une aristocratie, celle de la peau : plus grands que vos prédécesseurs, dont les décrets l’ont, pour ainsi dire consacrée, vous la ferez disparaître. J’espère bien que la Convention Nationale appliquera les principes d’égalité à nos frères des colonies, qui ne différent de nous que par la couleur "
- 24 juin : adoption de la Constitution de l’An 1.
- 15 septembre : Décret qui attribue 3 députés à la Martinique et 4 à la Guadeloupe
- 17 septembre : loi des Suspects, c’est le début de la Terreur, qui coupera 16.600 têtes… 
- 23 octobre (2 brumaire) : le calendrier Républicain remplace le calendrier Grégorien
- 23 novembre : Décret de fermeture des églises

En Guadeloupe, le 5 janvier, Lacrosse peut débarquer à Pointe-à-Pitre et proclamer la République dans l’enthousiasme général. Le drapeau tricolore flotte sur la ville. Il est emmené à la municipalité, puis au club des Amis de l’Égalité, les discours enflammés se succèdent, dont celui de Lacrosse :
" Révolution, révolution ! Égalité ou la mort ! En révolution tout est permis : insurgez-vous donc, ô patriotes ! Vous êtes, dans ces climats, d'une modération coupable. Armez une de vos mains d'un poignard, armez l'autre d'une torche, et marchez ! Point de grâce aux modérés surtout ; que le fer ou le feu vous fasse une juste raison de tous les obstacles qui se présenteront devant vous " …
Le 7, l’Assemblée coloniale décide de se replier à Capesterre, plus proche du gouverneur…
Le gouverneur d’Arrot embarque le 10 janvier en pleine nuit à Baillif et s’enfuit à l’île de la Trinité, future Trinidad, alors française.
Le 11 janvier, Lacrosse envoie à Basse-Terre 2 commissaires " pacificateurs " : Le Peltier, premier lieutenant sur La Félicité, et Devers, officier d’administration.
En moins de 8 jours, tous les quartiers envoient des représentants à Lacrosse.
Le 20 janvier, les citoyens de 22 paroisses sur 28 se réunissent en assemblées primaires et  élisent leurs représentants à une Commission Générale Extraordinaire, présidée par Bovis.
Le 23 janvier, en attendant le nouveau gouverneur nommé par la Convention, la Commission demande à Lacrosse de faire fonction de gouverneur.
Le 28 janvier, Rochambeau arrive avec la fonction de gouverneur général des Iles du Vent.
Entre-temps, le 6 février, le général Victor Collot arrive à Basse-Terre en provenance de St Domingue, pour prendre le gouvernement de la Guadeloupe.
L’île est à nouveau divisée en 2 camps, ceux qui veulent Collot, ceux qui veulent Lacrosse…
Le 13 février, en rentrant de la Martinique, Lacrosse, qui ignore l’arrivée de Collot, fait escale à Marie Galante.
Le 14 mars, la Commission maintient provisoirement Lacrosse, considérant que Collot n’a pas de mandat de la République, mais du roi...
Arrive la nouvelle de la reprise de la guerre avec les Anglais, que Lacrosse proclame officiellement le 19 : la Commission déclare la colonie en danger.
Le 20 mars, Lacrosse laisse la place à Collot, reprenant son rôle d’Officier de Marine pour la guerre contre l’Angleterre, à la demande de Rochambeau.
Collot est nommé officiellement gouverneur par la Commission.
La Commission, qui a plus de pouvoir que le gouverneur, prépare la liste des planteurs royalistes à arrêter : 448 noms de planteurs et fils de planteurs.
Le 10 octobre, la Commission prend un arrêté pour rechercher et arrêter tous les émigrés.
Collot reçoit la nouvelle Constitution de 93 avec la Déclaration de Droits de l’Homme, il se hâte de la faire imprimer et diffuser…
Le 28 octobre, une partie de la Commission en conteste l’authenticité, le 30, un arrêté du gouverneur impose la constitution.
La Commission déménage sur Pointe-à-Pitre début décembre, pour s’éloigner de Collot et de ses troupes.
Le 21 décembre, la Commission se transforme en Corps Représentatif Révolutionnaire, présidé par Bovis et décide de destituer Collot de ses pouvoirs civils. Elle crée un Conseil Exécutif.
La Guadeloupe compte ainsi 2 gouvernements : à la Pointe-à-Pitre, le Corps Représentatif Révolutionnaire avec son Conseil Exécutif et à la Basse-Terre, le Gouverneur et le conseil général de la commune.
Les biens et les habitations des émigrés royalistes sont séquestrés, les habitations du clergé aussi : les caisses de la colonie se remplissent…


A Marie-Galante, Lacrosse répond par lettre du 2 janvier et conseille aux 3 Municipalités de Marie Galante la création de clubs populaires : "clubs qui ont produit le meilleur effet à Sainte-Lucie ".
Il leur apprend qu'à " Fidèle ", l'arbre de la République avait été planté au milieu de l'allégresse générale.
Il leur fait envoyer le capitaine  Kerméné.

Il termine en espérant que les citoyens de Marie-Galante suivront un aussi patriotique exemple.
Le 5 janvier, le Comité des Douze prend la décision de planter l’Arbre de la République et envoie 2 membres porter l’invitation à Lacrosse. Dans l’île, le nègre Auguste est chargé de porter une circulaire pour inviter les citoyens à se réunir en assemblée primaire : sur l’accusé de réception, l’un des habitants signe " capitaine des aristocrates ", ce qui fait grand scandale ; on cherche le coupable, on ne le trouve pas, certains supposent qu’il s’agit de Gaucher fils…
Il sera guillotiné avec son frère et son vieux père par Victor Hugues l’année suivante…
Le 12 février, une lettre imprimée de la Commission signée Bovis a été remise à l’officier municipal de Grand Bourg, Botreau-Roussel : il la présente au Comité des Douze lors de son assemblée, la lettre soulève l’indignation, on se rend compte que la municipalité de Capesterre a reçu la même, ce qui veut dire que la Guadeloupe ne respecte pas leur corps représentatif…
Marie-Galante " arrête qu’elle persiste dans son indépendance et une scission nécessitée par l’égarement de la Guadeloupe, et qu’elle n’y renoncera qu’après avoir tout tenté auprès de la République pour les obtenir ".
Collot n’aura pas plus de succès : les Douze continueront à gouverner en s’appuyant sur des principes de liberté et d’égalité…
Le 13 février, en rentrant de la Martinique, Lacrosse fait escale à Marie Galante, selon Lacour.
Le 24 juin, premier acte où apparait " L’an Deux de la République Française " dans le registre d’Etat Civil de Grand Bourg.

Un arrêté des Douze est pris le 19 décembre :
" Considérant qu'il ne doit exister,  parmi les hommes libres, et surtout parmi les Français,  aucune différence ou distinction qui ne soit émanée des talents et des vertus ;
Considérant qu'il est du devoir de l'Assemblée de s'appliquer,  par tous les moyens qui sont en son pouvoir, à extirper jusque dans sa racine, le préjugé le plus injuste et  le  plus nuisible à la société qui ait jamais existé parmi les hommes ;
Considérant que la destruction de ce préjugé rendra à la société des hommes qui, par cet encouragement, s'adonnant désormais à la pratique de toutes les vertus civiques, en deviendront le soutien et l'ornement ;
Considérant enfin que cet acte de patriotisme est le plus sûr moyen de consolider l'union et l'harmonie parmi les citoyens, et de déjouer les projets de nos ennemis qui épient sans cesse les occasions de semer, parmi nous la discorde, et de mettre à profit tout ce qui peut être favorable à leur cause, et tendre au rétablissement de l’ancien despotisme ;
Arrête qu'à l'avenir il ne sera fait aucune distinction ni division de classes entre les hommes libres, parce que la loi ne leur donne d'autre dénomination que celle de citoyens ;
Défend les expressions de nouveau, ou toute autre qui pourrait marquer quelque différence ou supériorité contraire à la loi, notamment dans les actes publics ;
Arrête que toute personne libre, de l'un ou de l'autre sexe, prendra, si fait n'a été, un nom propre qui la désigne, et sans lequel tous les actes qu'elle passera seront nuls ;
Arrête que le plus ancien de chaque famille rassemblera ses parents pour fixer leurs noms et constater leur degré de parenté, et que l'acte en sera dressé pardevant notaire ;
Arrête que les déclarations et l'enregistrement de ces actes seront faits aux municipalités, signés par les parties et affichés à la porte de la maison commune."
 
On peut dire que les colons de Marie-Galante furent en bonne partie républicains,  contrairement à la majorité de ceux de Guadeloupe et surtout de ceux de la Martinique et de Saint-Domingue…
Comme le dit Lacour : " Il eût été intéressant pour l'histoire et la philosophie de voir fonctionner en République, et dans son indépendance, un coin de terre comme Marie-Galante, afin d'observer ce que seraient devenus l'esclavage et le préjugé de couleur entre les mains des hommes qui avaient pris la direction des affaires du pays..."

Les Douze étaient presque déjà arrivés en 1848…


1794 : En France : La Révolution, suite et fin…
- 17 janvier : les " colonnes infernales " de Turreau marquent la fin de la Guerre de Vendée, qui aura fait près de 200.000 morts…

- 4 février (16 Pluviôse An II), sur proposition de Levasseur et après les discours du député de St Domingue Dufay puis de Danton,


                                                                Décret de la Convention Nationale qui abolit l’Esclavage
:
                                                     

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" La Convention Nationale déclare que l'esclavage des Nègres dans toutes les colonies est aboli ; en conséquence elle décrète que tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français et jouiront de tous les droits assurés par la Constitution "
- 10 juin : loi de Prairial qui prive les accusés du droit de défense et recours et aboutit rapidement à la Grande Terreur à Paris, 1.350 guillotinés
- 25 juin : victoire à Fleurus des troupes de la Convention, commandées par Jourdan, contre les Prussiens, au chant de La Marseillaise…
- 28 juillet : Robespierre est guillotiné avec 21 de ses partisans : c’est la fin des Montagnards  
La Convention semble vouloir sortir de la guerre civile…
La Révolution Française aura fait entre 600 et 800.000 morts, dont 290.000 dans les guerres contre la coalition, le reste dans la guerre civile, dont 50.000 dans les colonies, sur une population totale en 1789 d’environ 26 millions d’habitants!


A Marie-Galante, le 24 février, le Comité des Douze publie un Arrêté sur l’affranchissement des esclaves :
" Plusieurs citoyens désirant procurer la liberté à quelques-uns de leurs esclaves, et la  municipalité  de Grand-Bourg demandant un mode d'affranchissement, l'Assemblée,
Considérant  que l'affranchissement doit être soumis à des règles, parce que le bien dégénère en mal lorsqu'il n'est pas renfermé dans de justes bornes,
Considérant qu'un Maître, sous prétexte  de  donner  la liberté, ne doit point se débarrasser d'un vieillard, d'un infirme, d'un incurable, d'un sujet diffamé, qui deviendrait à charge et dangereux pour la société,
Considérant qu'outre  le bienfait de la liberté il faut encore que le Maître pourvoie, au moins pour quelque temps, à la nourriture et à l'entretien de l'affranchi lorsqu'il n'aura aucun métier pour se les procurer,
Considérant que cet acte de la part du Maître ne peut nuire aux intérêts de son créancier,
Considérant que la liberté ne doit jamais être la  récompense d'un crime commis ou à commettre,
Arrête provisoirement :
Tout  Maître qui voudra  procurer la liberté à un ou plusieurs de ses esclaves en fera la déclaration aux trois municipalités de la Colonie et désignera le nom, l'âge, la qualité, les talents et les infirmités des dits esclaves, ainsi que le genre de service qu'ils en auront reçu ;
que les municipalités en dresseront procès-verbal, qu'elles feront publier et afficher trois fois dans trois semaines consécutives, en la forme ordinaire, pour la plus grande publicité;
que pendant ladite publication, tout particulier aura droit de s'opposer à ce que ladite liberté ait lieu ;
que l'opposition sera jugée par la municipalité et la commune assemblées dans la quinzaine du jour de la notification;
que si le particulier opposant prouve que l'esclave à qui l'on se propose de donner la liberté est un vieillard, un infirme, un incurable, un diffamé ou un mauvais sujet notoirement connu ; qu'il n'a aucun métier ou industrie honnête pour subsister ;
que, dans ce cas, le maître ne s'oblige pas de lui procurer la subsistance au moins pendant  trois ans, s'il n'est pas âgé de plus de trente ans, et pendant toute sa vie, s'il passe trente ans ;
que c'est en fraude de ses créanciers que le maître agit ;
et qu'enfin c'est en récompense d'un crime commis ou à commettre qu'on se propose de donner la liberté, alors l'opposition sera jugée bonne et valable, et la liberté n'aura pas lieu.
Mais si, au contraire, aucun de ces cas n'est prouvé, l'opposant sera déchu, et le procès-verbal de publication dressé par la municipalité y sera enregistré et expédition du tout, signée et scellée, servira de titre au nouvel affranchi pour le faire jouir de la liberté et du titre de citoyen, conformément au décret du 4 avril mil sept cent quatre-vingt douze."

Il sera ainsi plus facile d’affranchir les esclaves sans l’autorisation du gouverneur et la lourde taxe habituelle...   

Photo

                                                                A défaut de battre la monnaie, les pièces royales sont estampées MG…

Ailleurs aux Antilles :
Le 23 mars, les Anglais s'emparent de la Martinique gouvernée par Rochambeau après un siège de 32 jours. Elle restera sous leur contrôle jusqu'en 1802, avec 4 gouverneurs successifs, donc sans jamais appliquer les lois de la Révolution et par conséquent l’Abolition de l’esclavage…
Le 4 avril, les Anglais s’emparent de St Lucie.
Le 9, ils prennent aussi les Saintes, qu’ils conserveront aussi jusqu’en 1802.
Le 4 avril, Collot lance une proclamation " Aux armes citoyens ! " qui punit de mort tout citoyen qui ne resterait pas à son poste : la plupart des membres du Corps Représentatif Révolutionnaire sont arrêtés alors qu’ils sont en train d’embarquer pour fuir en France ou en Amérique…


A Marie-Galante, début avril, à la nouvelle de la prise de la Martinique et de Sainte-Lucie, les Douze déclarent leur impuissance, et convoquent tous les citoyens en assemblées primaires, afin que, dans des assises tenues par le peuple, on arrête les mesures que commande la situation. Ces assises eurent lieu à l'église paroissiale de Grand-Bourg.
Les citoyens Coquille, Vidon et Reytier sont nommés par acclamation, le premier président et les deux autres secrétaires de l'assemblée.
Le commandant militaire Kerméné, appelé pour éclairer la colonie sur ses moyens de défense, fait savoir que pour lui la défense n'est pas possible et que l’on ne peut pas même à songer à opposer une résistance sérieuse…
Le citoyen Bourjac propose de nommer des commissaires.
Cette idée acceptée, on décide qu'il en sera désigné 4 par paroisse.
Immédiatement on nomme par acclamation :
pour la paroisse de la Capesterre : les citoyens Coquille, Hotessier père, Cadet Duclos et Faussecave père pour la paroisse de Vieux-Fort : les citoyens Partarrieu, Enard, Romain cadet et Roussel-Bonneterre pour la paroisse de Grand-Bourg : les citoyens Bourjac, Lamière, Cartaide et Roussel aîné. Le peuple assemblé donne à ces commissaires " le pouvoir d'agir en son nom pour le plus grand avantage de la République et pour la conservation de la colonie, ne limitant l'étendue et la durée de ce pouvoir qu'à la fixation du sort de la colonie "…
Ces nouveaux élus vont faire basculer Marie-Galante dans le camp des Anglais...


A la Guadeloupe, le 10 avril, l’escadre de l’Amiral John Jervis arrive à Grande-Terre à Gosier, débarque les troupes du général Charles Grey qui prennent le 12 le fort de Fleur d’Epée, tuant 150 sur les 232 hommes de la garnison. Elles s’emparent ensuite du fort St Louis et de Pointe-à-Pitre.
Le 16 et le 17, les Anglais font 2 débarquements pour attaquer Basse-Terre par l’Est et par l’Ouest.
Le 19 avril, le général Charles Grey somme Collot de se capituler. Collot demande 48 heures pour rédiger la capitulation avec suspension d’armes.
Le 20, Grey exige qui a pris les 2 dernières positions de défense, demande une reddition sans conditions.
Collot exige une reddition avec les mêmes conditions que Rochambeau et sa garnison à la Martinique.
Une capitulation avec les honneurs de la guerre et libre retour en métropole est signée par le gouverneur Collot qui n’avait guère le soutien de la population pour résister. Il part aux Etats-Unis avec l’accord des Anglais, son retour en France l’aurait conduit à la guillotine …
Le général Dundas devient gouverneur, aidé par quelques colons devenus commissaires, il proscrit tous ceux qui n’acceptent pas l’occupation anglaise…


A Marie-Galante, le commandant Kerméné veut mettre l'île en état de siège, les commissaires s'y opposent, et prennent le 21 avril un arrêté :
" Considérant que cette colonie a été absolument abandonnée, depuis la déclaration de la guerre, par les généraux et délégués de la République, et privée de tous les secours qui lui étaient nécessaires et qui leur avaient été demandés ;
Considérant encore que les îles de la Martinique, Sainte-Lucie et Grande-Terre sont déjà conquises, que la Guadeloupe est assiégée, et qu’il ne reste plus aucun espoir de secours et de moyens pour la conserver à la République ;
Considérant enfin que, dans cette cruelle position, c'est un devoir pour l’assemblée de veiller à la conservation des propriétés, et que l’intention de la République n'est pas de régner sur des cendres et sur des débris ;
Arrête que la proclamation du commandant militaire restera sans effet, et que les commissaires sont autorisés à préparer dans leur sagesse les conditions qui leur paraîtront les plus avantageuses pour le bonheur de la colonie.
Invite tous les citoyens à l’harmonie, à la paix et à une union générale de coeur et d'esprit qui, en confondant tous les intérêts, doit préparer le salut commun et la tranquillité de tous."
Ils demandent clairement de ne pas tirer sur les Anglais...

C'est la fin de la République des Douze...

Quelques jours après, les Anglais envoient quelques hommes en garnison.
Il n’est plus question ni de République, ni de Liberté, ni d'Egalité, ni de Fraternité, ni même d'Indépendance : Marie-Galante rentre paisiblement dans le giron de la Guadeloupe anglaise…
L’île est remise au capitaine Anglais Robert Johnston.
Lors de cette nouvelle occupation, ceux qui ne veulent pas prêter serment au roi Georges III sont déportés.
Les Anglais nomment pour administrer l'île, trois commissaires parmi ceux déjà élus par la dernière assemblée : Robert Coquille pour Grand-Bourg, Pierre Hotessier pour Capesterre et, Jacques Bourjac, receveur du Domaine du Roi, pour Saint-Louis.


Victor Hugues, fils de bourgeois marseillais, ayant résidé longtemps chez son oncle esclavagiste au Cayes de Jacmel, puis commerçant à Port au Prince, a perdu sa fortune et son frère dans la révolution de St Domingue…
Devenu franc maçon, il rentre à Paris où il est nommé par la Convention en 1793 Accusateur public au Tribunal Révolutionnaire de Rochefort, puis à celui de Brest et il a fait preuve de son efficacité.

Victor Hugues est envoyé par la Convention comme Commissaire délégué pour essayer d’empêcher la prise de la Guadeloupe par les Anglais…
Le 23 avril, lendemain de la capitulation qu’il ignore, il part de l'île d'Aix avec 2 frégates La Pique et La Thétis, 1 brick de guerre L’Espérance et 5 bâtiments de transport de troupes, avec 1.153 hommes peu formés provenant de réquisition. A bord, une guillotine neuve, un autre Commissaire Chrétien, le capitaine de vaisseau Leyssegue, le général de division Aubert, les généraux de brigade Cartier et Rouyer, le chef de bataillon Boudet, le capitaine d’artillerie Pelardy, l’adjudant-major Paris.
Le 2 juin, en approchant de la Grande Terre, il apprend par une barque les évènements et l’occupation anglaise, mais aussi quelques bonnes nouvelles : l’escadre anglaise est à la Martinique, le gouverneur Dundas vient de mourir de la fièvre jaune, désorganisant un peu le commandement anglais, peu de troupes à la Grande Terre, des colons favorables à la France…
Sachant que les Anglais disposent de 4.000 hommes, de 14 vaisseaux ou frégates et 18 bâtiments de ligne ayant leur attache aux Saintes, les généraux sont prêts à renoncer et à rentrer en France après escale aux États Unis, comme leur mission le prévoyait en cas de débarquement impossible…
Hugues décide de débarquer malgré tout : le débarquement se fait par surprise à la Pointe des Salines, près du Gosier.
L’ennemi, surpris, se réfugie avec 900 hommes dans le fort Fleur d’Epée.
Le 6 juin, le fort Fleur d’Epée est attaqué à minuit par les soldats de Cartier et Rouyer et repris aux 900 défenseurs Anglais.
Dans la foulée, le 7, Pointe-à-Pitre est repris, les Anglais s’enfuient au-delà de la Rivière Salée, en faisant couler le bac sous la surcharge…
87 vaisseaux de commerce Anglais présents dans le port sont capturés ainsi que toutes les denrées des entrepôts.
L’entrée du port est fermée en coulant quelques vaisseaux.
Les patriotes enfermés dans les prisons sont libérés. Hugues fait une proclamation solennelle à la population pointoise :
" Un gouvernement républicain ne supporte ni chaîne ni esclavage, aussi la Convention vient-elle de solennellement décréter la liberté des nègres, et de confier le mode de cette loi aux commissaires qu'elle a délégués dans les colonies."
" Il doit donc résulter de cette rémunération naturelle et de son organisation civile :
1- la bienfaisante égalité, sans laquelle la machine politique est comme une horloge dont le balancier perd son équilibre et son action perpétuelle
2- une administration générale et particulière qui garantisse la propriété déjà formée des uns, et le produit du travail et de l'industrie des autres.
Citoyens de toutes couleurs, votre félicité dépend de cette loi et de son exécution ; les délégués de la nation vous garantissent un mode qui sera la sauvegarde de tous les amis de la république française contre ceux qui déjà en ont été et qui voudraient encore en être les oppresseurs ; mais il faut que les citoyens blancs offrent cordialement, fraternellement, et à salaire compètent, du travail à leurs frères noirs et de couleur, et il faut aussi que ces derniers apprennent et n'oublient jamais que ceux qui n'ont pas de propriétés sont obligés de pourvoir, par le travail, à leur subsistance, celle de leur famille, et concourir, en outre, par ce moyen, au soutien de la patrie. 
Citoyens, vous n'êtes devenus égaux que pour jouir du bonheur et le faire partager à tous les autres ; celui qui est oppresseur de son concitoyen est un monstre qui doit aussitôt être banni de la terre sociale "
Avertis du débarquement français, les Anglais envoient des renforts qui partent de la Martinique, avec le général Grey, 6 vaisseaux, 12 frégates, 5 canonnières et 16 transports de troupes, ils débarquent à Basse Terre le 7.
Le 8, Hugues fait une proclamation pour inviter les citoyens noirs à s’engager.
Les nominations des officiers se font en fonction du nombre de recrues : celui qui en amène 10 hommes est caporal, celui qui en amène plus de 10 : sergent, 25 : sous-lieutenant, 50 : lieutenant, 100 et plus : capitaine. On essaie de les habiller et de les instruire rapidement…
Toujours le 8, les Anglais contrattaquent sur terre et repassent la Rivière Salée, difficilement contenus par Aubert.
Le 10 juin, Grey fait débarquer 2.000 hommes au Gosier, installe le siège à Mascot et commence à bombarder le fort Fleur d’Epée.
Ils installent une batterie à fourneaux au morne Savon, pour bombarder la ville et le port de Pointe-à-Pitre et allumer des incendies.

Le 13 juin, Hugues fait une 1ère proclamation pour les noirs :
" La Convention nationale, par son décret du 4 février dernier, vous a accordé le plus grand des biens, la liberté. Elle nous a confié l'exécution de cette loi. Son intention, en brisant vos fers, a été de vous procurer une plus grande somme de bonheur, en vous faisant jouir de vos droits. Nous serions responsables envers la nation et l’humanité, si nous ne prévenions les désordres dont la malveillance des ennemis de la chose publique veut vous rendre victimes "...

Devant des actes de brigandage et de pillage, et la menace de la famine, nouvelle proclamation le 18 juin :
" La République, en reconnaissant les droits que vous teniez de la nature, n'a pas entendu vous soustraire à l'obligation de vous procurer de quoi vivre par le travail.
Celui qui ne travaille pas ne mérite que du mépris et ne doit pas jouir des bienfaits de notre régénération ; car l'on doit présumer avec raison que le paresseux n'existe qu'en commettant des brigandages.
Tous les citoyens ne pouvant pas être employés à la défense de la colonie, il est indispensable que ceux qui ne sont pas incorporés dans la force armée s'occupent à cultiver la terre et à planter des vivres le plus promptement possible…
En conséquence, citoyens, nous invitons et requérons ceux de vous qui ne sont pas incorporés dans la force armée d'avoir à se rendre sur les habitations où ils demeuraient ci-devant, pour y travailler sans relâche à planter des patates, ignames, malangas et autres racines nourrissantes, leur promettant sûreté et protection, et de les faire payer de leurs travaux.
Mais si, contre notre attente, quelques-uns de vous refusaient de se rendre à notre invitation, nous leur déclarons, au nom de la république française, qu'ils seront considérés comme traîtres à la patrie, et livrés à la rigueur des lois.
Enjoignons aux municipalités de requérir la force armée, pour disperser les attroupements et faire rentrer les citoyens noirs dans leurs habitations respectives, pour y planter des vivres. "
 
Hugues tente de prendre le morne Savon la nuit du 19 au 20 : tentative repoussée...
Il tente de prendre Mascot la nuit du 27 au 28 : échec, nouvelle tentative la nuit suivante, 300 morts…
Le bombardement de Pointe-à-Pitre dure par terre et par mer depuis 1 mois : la population est décimée avec en plus une épidémie de fièvre jaune, les généraux Cartier et Rouyer sont morts, le commissaire Chrétien est mort…
10 navires sont coulés dans le port, 2 autres endommagés : Hugues décide de transformer quelques navires en prison et y envoie tous les prisonniers, en informant l’ennemi…
Dans la nuit du 1er au 2 juillet, après 8 heures de bombardement incessant, 2 colonnes de 1.000 Anglais partent de Masicot, attaquent et reprennent Pointe-à-Pitre.
Victor Hugues – en chemise, car il a échappé au bombardement de sa maison – se réfugie  avec les officiers et les troupes restantes sur le Morne du Gouvernement. Le général Aubert veut capituler, Hugues lui arrache ses insignes et le destitue…
Les Français contre-attaquent et chargent à la baïonnette, aidés par les bombardements d’une de nos frégates : les Anglais se replient en laissant 800 hommes, dont 23 officiers sur le terrain…
Hugues rebaptise la place Sartine et le Morne " de la Victoire " et Pointe-à-Pitre " Port de la Liberté ".
L’amiral Jervis tente en vain une attaque contre le fort Fleur d’Epée le 3 et le 4, l’escadre anglaise quitte la Grande Terre le 5 juillet…
Les Anglais nous abandonnent leurs batteries et leurs magasins.
Victor Hugues fait subir à tous ceux qui ont été du côté des Anglais un sort cruel : 100 Noirs furent mis aux travaux forcés, 300 Blancs furent fusillés…
Hugues lève une troupe de 2.000 "hommes de couleur", il récupère des armes auprès des Américains malgré le blocus Anglais, des provisions grâce aux iles neutres comme St Barthélémy et il arme des corsaires pour capturer les navires anglais.
Il nomme le capitaine Pelardy général de division et commandant des troupes, le chef de bataillon Boudet général de brigade et l’adjudant-major Paris lieutenant-colonel.
Avec une armée disciplinée, pourvue d’armes et de vivres, Hugues décide d’attaquer la Basse-Terre en 3 corps : celui de Pelardy partant de Pointe-à-Pitre devra débarquer à Goyave, celui de Boudet partant du Morne-à-l’Eau débarquer au Lamentin, le corps du centre commandé par Bures devra traverser la Rivière Salée.
Le général Aubert meurt des fièvres.
La première colonne des Français, commandée par Pélardy traverse la flotte ennemie sur des pirogues sans être repérée la nuit du 26 au 27 septembre, débarque à Goyave, prend le contrôle de Petit-Bourg après avoir tué 140 Anglais et en avoir fait prisonniers 160.
Nous n’avons perdu que 8 hommes… Elle coupe ainsi l’approvisionnement des camps St Jean et De Berville.
La deuxième colonne, commandée par Boudet débarque au Lamentin le 26, traverse Baie Mahault et s’établit sur l’habitation Paul le 27, non loin du camp de Berville.
La troisième colonne, commandée par le chef de bataillon Bures passe la Rivière Salée le 28.
Les 3 colonnes attaquent le 29 septembre le camp de Berville, où 800 colons royalistes luttaient au côté de 1400 Anglais commandés par le général Graham.
Victor Hugues décide de lancer l’attaque avec les 2 dernières colonnes : ils subissent de lourdes pertes lors de la première attaque, perdant 400 hommes, le général Boudet est gravement blessé, remplacé par le chef de bataillon Paris qui organise la retraite. Pelardy et ses 300 hommes arrivent à la rescousse avec l’artillerie et contraint les Anglais à la capitulation le 6 octobre.
Seuls 22 chefs royalistes purent partir sur une chaloupe fournie par le général Graham, les autres français royalistes furent en grande partie exécutés avant le départ des Anglais, le 7…
Hugues écrira : " 650 ont été guillotinés ou fusillés ayant porté les armes avec les Anglais et c’est avec douleur que nous avons vu les hommes de couleur ci-devant libres, plus enragés contre le décret qui abolit l’esclavage que les colons "
Une centaine de ces derniers furent punis des travaux forcés…
Les 1.400 Anglais furent prisonniers sur parole.
Pelardy se met en marche le 11 octobre pour Basse-Terre toujours occupée par les Anglais.
860 soldats anglais, commandés par le Général Prescott, quittent la ville après avoir détruit arsenal, magasins, batteries, pour se réfugier dans le fort St Charles.
Les Français commencent le siège le 14 octobre. Ils reçoivent quelques canons et des munitions début novembre.
Victor Hugues, remis d’une maladie qui l’avait retenu à Pointe-à-Pitre les rejoint et s’apprète à lancer l’assaut final.
Pour impressionner les Anglais, il fait déterrer le 10 décembre les restes du gouverneur Thomas Dundas, enterré au fort Mathilde, et les fait jeter à la décharge " pour servir de proie aux oiseaux "…
Les Anglais prennent la fuite par la mer dans la nuit du 10 au 11 décembre, sur 7 vaisseaux et 3 frégates venues s’ancrer sous le fort…


Pendant le siège, Victor Hugues a préparé fin août une expédition pour Marie-Galante.
Il arme 40 Patriotes marie-galantais réfugiés à Pointe-à-Pitre, leur adjoint quelques sans-culotte sous les ordres du capitaine Goulard. Le capitaine Jean Claude Rameaux, marie-galantais propriétaire d'une cotonnerie à Capesterre et devenu son homme de confiance, reçoit le commandement de l’expédition avec en même temps cet ordre : " Pars ! Tu me réponds sur ta tête de la conquête de Marie-Galante !"
La nuit du 27 novembre, leurs pirogues débarquent entre Vieux-Fort et Saint-Louis.

Les Anglais sont taillés en pièces, la ravine prendra le nom de " Ravine du Massacre "…
De là, ils fondent sur Grand-Bourg, à la fois par terre et par mer. La ville est plongée dans le sommeil. Ils s'emparent des batteries et de la ville, la frégate et la corvette anglaises mouillées dans la rade prennent la fuite...
Les Sans-culottes décident d’éliminer d'abord les commissaires nommés par les Anglais.
Coquille s'éveille, comprend ce qui se passe, saute par la fenêtre de sa chambre côté mer, se fracture la cuisse et s'achève d'un coup de pistolet.

On se met à la recherche des deux autres commissaires.
Hotessier se plonge un poignard en plein cœur. Les soldats de Rameaux insultent et fouettent son cadavre pendant qu’on le ramène sur une charrette au Bourg.
Bourjac, plus heureux, a eu le temps de fuir ; il s'est caché dans la mangrove de Saint-Louis. Dénoncé quelques jours après par son domestique noir Simon, il est rapidement encerclé : il essaie vainement de se brûler la cervelle, se manque, s’ouvre le ventre avec son sabre. Il est capturé, baignant dans son sang, on le traîne jusqu'à Grand-Bourg où il est finalement fusillé sur les glacis du Fort.
Rameaux, resté le maître, terrorise Marie-Galante, comme Victor Hugues la Guadeloupe.
L’huissier Gauguery est nommé commissaire et s’occupe des éxécutions : entre la guillotine installée à Pointe à Pitre et la fusillade, il décime les royalistes et les rares aristocrates restants…

32 habitants propriétaires sont guillotinés, dont Gaucher et ses 2 fils, Gassier, Bégorat, Saint Villiers, Lapillardière, Bézard fils, etc… Leurs habitations sont séquestrées.
Hugues a fait interner à Capesterre les femmes et enfants d’émigrés. Quand un bateau anglais passe, Gauguery s’en sert de bouclier humain en les faisant prendre entre le feu de ses sans-culottes et celui du navire…
L’île est à nouveau réunie à la Guadeloupe, l’esclavage est aboli.
Grand-Bourg change de nom et est rebaptisé " Réunion ".
On applique désormais le calendrier républicain.


Ainsi, une expédition de 1.150 hommes, dont plus de 80% devait mourir par les armes ou la fièvre jaune, a réussi, après presque 7 mois de combats, à reprendre l’archipel à 8.000 Anglais…

1795 :
En Guadeloupe, Hugues rebaptise les principales communes : Port-Louis devient Port-Libre, Ste Anne Fraternité, St François Egalité, Ste Rose Tricolore, etc…
Il installe son administration : 1 commissaire dans chaque commune, les membres de la municipalité sont nommés par le commissaire ou par Hugues…
Une commission militaire, sorte de tribunal présidé à Pointe-à-Pitre par Carpentier, ancien huissier martiniquais, chargé des éxécutions et un comité de surveillance révolutionnaire, composé de 8 membres, dont Darboussier père, chargé des dénonciations.

Le 6 janvier, arrivent à Pointe-à-Pitre la canonière La Cruelle, transportant 2 bataillons de renfort, commandés dont le capitaine de grenadiers Magloire Pelage, alors inconnu et 2 nouveaux commissaires : Lebas et Goyrand. Hugues garde Lebas, qui avait été son ancien substitut au tribunal révolutionnaire de Rochefort et sur lequel il garde l’ascendant, mais convainq Goyrand de partir à Ste Lucie, redoutant un concurrent…

Le 21 février, un arrêté interdit le commerce, qui reste entre les mains de son gouvernement :
" Considérant que le commerce de la métropole avec les colonies a été suspendu par les circonstances ; qu'elles ont nécessité la mesure de ne pas laisser dépendre les subsistances et les autres besoins des citoyens d'une poignée de spéculateurs avides, qui se sont, en tous temps et dans tous les pays, attachés à donner une grande valeur à des objets venant de l'étranger et à avilir les denrées de leur pays, pour assouvir leur cupidité ;
Considérant que deux cent quatre-vingt-huit habitations sucreries, et plus de trois cent cinquante autres, tant en coton, café, vivres, etc, sont devenues la propriété de la République, par la fuite et le châtiment des traîtres qui avaient livré la colonie aux féroces Anglais ; que, par cette raison, nous nous sommes décidés à maintenir la défense déjà faite, et, sous la même peine, de l'étendre au commerce des denrées coloniales. "

L’arrêté crée pour cela 2 agences nationales, tenues à Pointe-à-Pitre par Courtois et à Basse-Terre par Bossant.
Toutes les transactions en gros doivent passer par ces 2 agences, qui fixent aussi les tarifs.
Tout marchand ne peut revendre au détail qu’au maximum 25% au dessus du tarif fixé.
Les églises sont fermées, voire détruites, ou deviennent des bâtiments municipaux : le 8 février, celle de Pointe-à-Pitre devient la municipalité.

Alors que la Terreur est presque terminée en France, Victor Hugues, surnommé par certains " le Robespierre colonial ", l’applique avec frénésie…
Sur le pont de son navire La Pique, il a dressé au début la guillotine, qui fonctionne tous les jours.
Elle sera installée ensuite en ville place du Marché, puis déplacée place de la Victoire, prés du rivage, une rigole permettant l’écoulement du sang dans la mer...
A Basse-Terre, la guillotine est installée sur la place des Carmes.
Une autre guillotine va de commune en commune, accompagnant un tribunal révolutionnaire ambulant.
Du fait des exécutions et de la fuite, notamment vers la Martinique, de ceux qui risquaient la guillotine, la population blanche va passer de 9.371 à 1.092, dont seulement 255 hommes…
Le 2 juillet, Hugues fait renvoyer en France le général Pelardy, jugé trop modéré…
Lebas fait établir la liste des émigrés : les biens de ces 688 émigrés qui ont fuit l’instauration de la République sont séquestrés, dont 288 habitations-sucreries qui deviennent " habitations nationales " ou " habitations de la République " ; idem en ville, 180 maisons pour la seule Basse-Terre sont confisquées aux émigrés…
La gestion des habitations est confiée à des géreurs ou séquestres, partisans de Hugues, qui sont censé recevoir un salaire mais qui devront se contenter de " vivre sur la bête "…

Hugues édite un " Ordre du travail " pour les citoyens travailleurs de chaque habitation :
" Cinq heures et demie du matin : La cloche avertira les citoyens et citoyennes de se réunir dans un lieu quelconque indiqué par le principal chef de l’habitation.
Cinq heures trois quarts : Le chef entonnera un des couplets de l'hymne républicain, terminé par le cri de : Vive la République ! Il sera strict à l'heure, et prendra l'habitude de n'attendre personne. Ensuite il fera l'appel nominal et pointera les absents.
Ces mesures remplies, les citoyens se rendront de suite à l'ouvrage avec leur conducteur, toujours en chantant, et avec cette gaîté simple et vive qui doit animer le bon enfant de la patrie.
Le principal chef se transportera de son côté dans toutes les cases des citoyens ; il interrogera ceux qui s'y trouveront, et leur demandera pourquoi ils ne sont pas avec les autres au travail ; il écoutera leurs excuses, examinera si elles sont légitimes ou non, et prendra des notes.
Tous les chefs communiqueront au moins une fois par décade avec le commissaire délégué, ou avec la municipalité, ou avec ceux préposés pour recevoir le détail des travaux et de la conduite des citoyens pendant la décade.
A huit heures : le déjeûner, pris sur le terrain, à l'exemple des sans-culottes cultivateurs en France.
A huit heures et demie : on reprend le travail qui cessera à onze heures et demie.
A deux heures après dîner, la cloche annonce partout la fin du repos. Les citoyens et citoyennes se rendront alors comme le matin au lieu indiqué. Le chef fera l'appel nominal, et répétera généralement le soir les mesures prises le matin.
Le travail cessera à la nuit "

Le 28 août, pour la récolte du café, essentielle pour l’économie de la colonie, Hugues prend un nouvel arrêté :
"…En conséquence, nous avons arrêté et ordonné provisoirement ce qui suit :
Article 1. Tous les citoyens et citoyennes attachés à la culture de la terre demeurent en réquisition.
Art. 2. Tous les citoyens et citoyennes non attachés à la culture de la terre sont admis à se proposer pour recueillir le café.
Art. 3. Les citoyens et citoyennes attachés aux sucreries nationales seront tenus, lorsqu'ils en seront requis seulement, et non autrement, de suspendre ce genre de culture pour se rendre sur les caféyères, et y faire la récolte du café.
Art. 4. Il sera alloué à chaque citoyen et citoyenne une demi-gourde par chaque baril de café en parche qu'ils auront recueilli. Ils recevront leur payement en provisions, effets ou espèces.
Art. 5. Il sera statué incessamment sur un salaire proportionné en faveur des citoyens employés à la culture et fabrication du sucre et coton.
Art. 6. Il sera en même temps statué sur le traitement des séquestres."

Mais les salaires promis aux séquestres n’arrive pas et encore moins celui des noirs…
Les noirs refusent de travailler dans ces conditions et se réunissent aux Abymes pour faire valoir leurs droits : Hugues leur envoie la troupe, les taille en pièces, capture et fait exécuter les meneurs…
Le 2ème régiment de sans culottes , en majorité de couleur, se rebelle…

Le 24 novembre, nouvel arrêté :
" Article 1er : Toute personne qui publiera une fausse nouvelle, tendant à corrompre l'esprit public, à désorganiser les ateliers, à fomenter l'insurrection, à ébranler la fidélité des officiers, soldats, marins et autres citoyens, sera traduite devant la commission militaire et punie de mort.
Art. 2. Tout atelier qui, par suite du délit prévu dans l'article premier, quitterait le travail, en s'attroupant, et qui ne se dissiperait pas au nom de la loi, les chefs et les trois premiers pris seront punis de mort."

Hugues transforme la Guadeloupe en camp retranché, hérissé de batteries, rempli de 10.000 soldats de toutes les couleurs et de toutes les conditions.
Le ravitaillement de la Guadeloupe devient problématique, Hugues et ses partisans décident d’armer des corsaires pour réintroduire des marchandises…

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                                                                    Aux Antilles, les anciennes pièces royales sont estampés : R F

A Marie-Galante, les habitations des " ci-devant " qui ont fuit ou ont été guillotinés sont devenues aussi " habitation de la République " ou " propriété Nationale ". Parmi les 67 habitations séquestrées :
A Réunion (Grand Bourg) : De Retz, Desmarais, Bourjac, Gaucher, Duparc, Cazalis, Badiffe, Pillardière, Loncourt Courtois, Larrigaud, Latour-Lillet, La Grande Baye, Castayde.
A Vieux Fort : Ménard (appellée M.Enard), Ribourgeon, Partarieu, Brunel, Pluquet.
A Capesterre : Lebrun-Cognet.

Jean Claude Rameaux, qui avait commandé pour Victor Hugues l'expédition de reprise de Marie Galante l'année précédente, est capturé par les Anglais en mars à la Dominique, il ne sera libéré qu'en 1797 et retrouvera son habitation cotonnière de Capesterre, où sa femme Marie Ballet-Avril l'a attendu avec ses 6 enfants...
Son jeune frère, dragon des milices de Grand Bourg, sera aussi capturé par les Anglais en mars 1801 lors de la prise de St Martin : libéré en novembre avec 12 autres soldats marie-galantais , il va mourir colonel à 41 ans des suites de ses blessures à la bataille de la Bidassoa en 1813...


En France, le 14 avril, loi sur les poids et mesures instaurant le système métrique.
Sur le plan monétaire, les Assignats ont perdu rapidement de leur valeur depuis 1790 : ils sont supprimés en juillet. Ils ont permis à beaucoup de s'enrichir (en les utilisant pour acquérir les biens saisis aux émigrés et au Clergé) et en ont ruiné beaucoup d'autres.
La Livre est remplacée par le Franc.
Le 17 août : nouvelle Constitution de l’An III et création du Directoire.
Le 26 octobre, la Convention démissionne : " La Convention nationale déclare que sa mission est remplie, et que sa session est terminée. "
Le 4 novembre, le Directoire est constitué et proclame : " Qu'il était résolu à faire régner la concorde, ramener la paix, régénérer les mœurs, rouvrir les sources de la production, ranimer l'industrie et le commerce remettre l'ordre social à la place du chaos inséparable des révolutions. "


1796 :
En Guadeloupe, le Directoire n’a pas le temps d’envoyer de nouveaux commissaires : par arrêté du 26 janvier, Hugues et Lebas sont renommés Agents du Directoire pour 18 mois.
Le 16 mars, Hugues épouse une riche créole de Martinique, Angélique Jacquin : ses biens sont alors estimés à 458.000 livres, dont une partie en France, une autre aux Etats Unis : la Révolution a bien profité à certains…
Hugues est plus riche que son gouvernement !
En outre, il a omis chez le notaire ses participations dans au moins 6 navires corsaires et les 2 navires qui lui appartiennent…
En effet, lui, Lebas et Boudet sont en partie ou en totalité armateurs de navires corsaires, pour nuire au commerce anglais et récupérer des marchandises qui sont revendues par leurs agences. Quant aux esclaves récupérés, ils sont mis d’office sur les habitations dites nationales.

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Hugues prend un arrêté pour interdire le vagabondage qui interdit aux noirs agriculteurs de sortir de l’habitation où ils travaillent sans un congé du géreur ou du séquestre. S’ils sont considérés comme vagabonds, ils risquent 2 mois de fers…
Il écrit sans son rapport au Directoire : " L'homme attaché ici aux travaux de la terre peut, sans se gêner, se procurer en dix jours l'existence d'une année ; il n'a pas de besoins ; les vêtements lui sont inutiles ; l'indolence et la paresse sont le suprême bonheur pour lui ; il n'est mû par aucune des passions qui peuvent porter l'homme au travail "
Hugues s’est toujours refusé à appliquer la Constitution de 93, il se justifie dans une lettre au ministre le 9 août :
" Plusieurs raisons nous ont empêché de mettre jusqu'à présent la constitution en activité dans cette colonie ; nous allons vous les déduire… La constitution, qui offre tant d'avantages en France, ne présente que des difficultés dans ces contrées ; la promulguer, la mettre aujourd'hui en activité, le lendemain il n'y a plus de colonies. En effet, qui pourra contenir 90.000 individus forts et robustes, aigris par de longs malheurs, par des tourments horribles et par des supplices affreux ? Qui pourra contenir la férocité naturelle aux Africains, accrue par le désir de la vengeance ? Qui empêchera les funestes effets de l'ignorance et de l'abrutissement de l’esclavage ? Sera-ce 3.000 personnes, dont 2.000 détestent autant l'ordre de choses actuel que le gouvernement républicain, et dont 500 sont enfants ou valétudinaires ? A l'exception de 200 ou de 300 hommes à principes, venus d'Europe, le reste des blancs est ennemi aussi juré des noirs que les noirs le sont des blancs…
Nous vous le répétons, citoyen ministre, la constitution, loin d'être un bienfait pour la colonie, dans la situation où elle se trouve, sera sa perte…"
Malgré tout, la guillotine s’est calmée, peut-être un effet du mariage…


1797 : Par arrêté du 11 février, Hugues et Lebas prennent un arrêté qui encadre leurs activités de corsaires et autorise à attaquer aussi des bâtiments neutres.
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Un tribunal dit de commerce a été créé pour statuer sur la validité des prises, tenu par 2 juges membres du Comité de surveillance révolutionnaire, Saint-Gassies et Pénicaut. Les juges ayant tendance à relâcher quelques prises, ils seront destitués et remplacés à plusieurs reprises…

Le 27 octobre, " Loi sur la division du territoire des Colonies Occidentales " : St Domingue est divisée en 5 départements, la Guyane forme 1 département, la Guadeloupe et dépendances 1 autre département Français ; les lois de la métropole s’appliquent outremer.
La Guadeloupe est partagée en 27 cantons avec Pointe-à-Pitre devenu Port-la-Liberté pour chef-lieu.
Les Dépendances comprennent alors: Marie-Galante, la Désirade, Les Saintes et la partie Française de St Martin.

Dans la nuit du 29 au 30 décembre, 300 Noirs se révoltent au Lamentin, ils sont écrasés par le général Boudet le 31…
A Capesterre autre révolte de quelques centaines de noirs, écrasée par le capitaine Gédéon.


A Marie-Galante, fin décembre, menés par le mulâtre Goyote et les noirs Adon et Jolicoeur, 5 à 6.000 citoyens noirs armés de quelques fusils, de sabres et de bâtons, assiègent Réunion, qui n’a comme garnison qu’une compagnie de couleur commandée par le mulâtre Lapoterie.
Le commissaire Piaud qui a remplacé Gauguery envoie des parlementaires et ouvre des négociations, qu’il fait trainer 3 jours, en demandant aux meneurs de se faire connaître.
Cela laisse le temps aux renforts, commandés par le général de brigade Paris, de venir de Guadeloupe et de réprimer la révolte : les 3 meneurs sont fusillés dans la savane Bosredon.
De la part des insurgés, il n’y eu ni meurtre, ni pillage, ni incendie.

Seul Reynal de Saint Michel fut blessé d’un coup de pique au bras, et Langlois renvoyé tondu à Capesterre, attaché sur son cheval, la tête regardant la queue de l’animal…

1798 :
  Le 6 janvier, après les soulèvements des Noirs en Guadeloupe et à Marie-Galante, Hugues met la colonie en état de siège.
Le 19 mars, Hugues et Lebas voient leur fonction d’agent du Directoire prolongée de 18 mois par arrêté, mais en mai Lebas rentre en France pour raison de santé, où il apprend qu’il n’est plus agent du Directoire. Cela laisse le champ libre à Hugues…
Avec ses 2 beaux-frères, le genéral Paris et le genéral Boudet, Hugues crée une Agence  qui gère l’Administration des Finances, la Régie des Biens des Émigrés et l’Armement des Corsaires, profitant bien plus à lui qu’à la République…
Les Américains ne tolérent plus ces corsaires qui perturbent leur commerce et les Anglais ne supportent plus la capture de leurs vaisseaux, plus de 150 sont pris : les nègres pris à bord sont ramenés en Guadeloupe et les denrées confisquées expédiées en France.
Ils vont à leur tour armer des corsaires qui vont s’emparer d’une bonne partie des nôtres, le ravitaillement de l’île va en souffrir…
Les plaintes contre Hugues, la suspicion de détournement de biens nationaux et la mésentente qu’il a provoquée avec les Américains finissent par se retourner contre lui : il est finalement destitué le 5 juin par le Directoire et remplacé par le Général Edmée Borne-Desfourneaux, qui s’est illustré à St Domingue, comme agent particulier du Directoire.
Avant l’arrivée de ce dernier, le Directoire prend un arrêté très clair pour empêcher les détournements à la façon de Hugues :
" Tout agent, ou tout autre délégué dans les possessions neutres pour y juger la validité des prises faites par les corsaires français, et qui serait soupçonné d'avoir des intérêts directs ou indirects dans les armements en course ou en guerre et marchandises, sera immédiatement rappelé."
La justice civile réapparait : 5 tribunaux correctionnels sont installés, dont celui de Réunion (Grand-Bourg) à Marie-Galante.
Desfourneaux arrive le 22 novembre avec le général Pelardy et 168 hommes.
Il est chargé de faire appliquer la loi du 1er janvier ;
Hugues fait tout pour ne pas quitter la colonie, malgré l’arrêté le concernant.
Desfourneaux craint une conspiration de ses partisans, il décide de s’en débarrasser : il finit par l’inviter le 3 décembre à un banquet sur sa frégate, où ils arrivent ensemble, le fait arrêter à la fin du repas…
Le 4 décembre, Desfourneaux fait une longue proclamation sur Liberté, Egalité, Sûreté et Propriété…

Quant à Hugues, il sera expédié en France le 6 décembre…
Il sera réhabilité et nommé gouverneur en Guyane l’année suivante, il rétablira l'esclavage pour le Consulat en 1802 et finira planteur esclavagiste à Cayenne, où il va mourir aveugle et lépreux en 1826 à 56 ans…


Cette carte militaire de Marie-Galante nous donne l’implantation de toutes les batteries qui avaient été mises en place par Victor Hugues pour la défense de l’Isle :
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