OU LES DÉBUTS DE LA CHRISTIANISATION DES ANTILLES...
La monarchie française - catholique - a soutenu plusieurs congrégations pour évangéliser les nouvelles colonies dès la fin du XVIème siècle.
Les Franciscains ou Frères Mineurs, Ordre créé en 1210 par St François d'Assise, vont débuter leurs missions à Hispaniola dés 1493.
Les Capucins sont une branche réformée des Franciscains, érigés en nouvel Ordre depuis 1525 et arrivés en France en 1575, on les retrouve au Brésil en 1612, puis à St Christophe en 1633 puis en Guadeloupe en 1636.
Les Dominicains ou Frères Prêcheurs, encore appelés Jacobins, ont été créés par St Dominique en 1215, vont accompagner la colonisation espagnole à partir de 1511.Les Dominicains français dit Réformés sont réunis depuis 1608 en une congrégation à part, on va les retrouver en Guadeloupe à partir de 1635.
Les Jésuites ou Compagnie de Jésus fondée par Ignace de Loyola en 1539, vont commencer leurs missions au Brésil en 1549, au Canada en 1611, on les retrouve en Martinique dés 1640, puis plus tard en Guadeloupe.
La congrégation Carme voit le jour sur le Mont Carmel, en Terre Sainte, où existait depuis le IVème siècle un pèlerinage à la grotte du prophète Élie. Le chevalier Berthold de Solignac, engagé pour la deuxième croisade, se promet d'entrer en religion si les chrétiens sont victorieux : il réalise alors son vœu en se faisant ermite sur le mont Carmel, vers 1153. Il prend la tête d'une communauté d'ermites suivant l'exemple du prophète Élie et en confiant son œuvre à la Vierge Marie .Le mouvement neuf du Carmel de Touraine, connu sous le nom d’Observance de Rennes, ne s’est pas séparé de l’ancien Carmel mais tend à le réformer depuis 1612 : c'est de ce Carmel de Touraine que vont venir les Carmesaux Isles d’Amérique, à St Christophe en 1646, en Guadeloupe en 1651 puis à Marie-Galante en 1660.
Toutes les premières missions sont faites essentiellement par des prêtres " réguliers ", c’est-à-dire appartenant à un Ordre, monastique ou non, dont ils suivent les Règles. Les prêtres " séculiers ", qui dépendent d’un évêque, arriveront plus tard et ne deviendront dominants qu’après la Révolution.
Les débuts de la colonisation religieuse des Antilles :
1493 :Le rôle missionnaire de la colonisation se met en place : 12 missionnaires accompagnent Christophe Colomb dans son 2ème voyage, dont 4 missionnaires Franciscains les Pères Juan de Marchèna, Juan de la Deule, Juan de Tisin, le Frère Ramón Pané et un Bénédictin Bernardo Boyl. Le pape Alexandre VI par sa bulle Inter cetera charge les Rois Catholiques, Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon, de convertir les populations du Nouveau Monde à la foi catholique et apostolique :
"...comme il convient à des Rois et Princes Catholiques, en vue de l'exaltation et du développement de la foi Catholique, vous vous êtes proposé, avec le secours de la clémence divine, de soumettre et de convertir à la foi Catholique ces continents et ces îles précités, leurs habitants et indigènes. Nous louons très vivement, dans le Seigneur, votre saint et louable projet ; nous désirons qu'il soit conduit à bonne fin, et que le culte même de Notre Sauveur soit établi dans ces pays."
1494 : Le roi du Portugal a jugé la précédente bulle papale trop favorable à la couronne Espagnole : après réouverture des négociations, le 7 juin est signé entre les 2 puissances coloniales, le royaume d’Espagne et le royaume du Portugal, le traité de Tordesillas : il partage le Nouveau Monde le long d'une ligne Nord-Sud à 370 lieues (1.770 km) à l'Ouest des îles du Cap-Vert.
1523 : Sous François 1er, une expédition de missionnaires dominicains français tente de s’établir en Guadeloupe pour évangéliser les Caraïbes : ils sont tous rapidement exterminés et finissent mangés en boucan
1536 :Jean Calvin, prêtre Français, réfugié à Bâle, publie " Institutio Christianae Religionis", où il présente sa théologie de la Réforme : le protestantisme va se développer...…
1562 :Première Guerre de Religion entre catholiques et protestants français.
1572 : 24 août, massacres de la St Barthélémy, point culminant des Guerres de Religion pour les Protestants avec environ 8.000 morts.
1594 : Sacre d’Henri IV comme Roy de France le 27 février, alors qu’il est déjà Roy de Navarre et qu’il s’est converti au catholicisme l’année précédente, en abjurant sa religion réformée…
1598 :Le 13 avril, Edit de Nantes par Henri IV qui met fin aux Guerres de Religion : Il accorde aux protestants la liberté de conscience, la liberté de culte et des "places de sûreté", dont La Rochelle.Les 8 Guerres de Religion successives auront fait environ 100.000 morts chez les catholiques et les protestants…
1603 : 6 missionnaires Dominicains espagnols font escale à la Guadeloupe : "Les Caraïbes les transpercèrent de leurs flèches, et il n’est pas douteux qu’ils les firent boucaner en vue d’un repas de cannibales"... En 1626, les Caraibes remettront à d'Esnambuc, gouverneur de Saint-Christophe, les Habits de ces Religieux, dont on connait ainsi les noms : les R.P. Jean de Montalla, Vincent Palau, Jean Martinez, Hyacinthe Cisternez, Jean de Naya, Pierre Moréno.
1610 : Henri IV meurt assassiné par Ravaillac à Paris. Louis XIII, 8 ans et demi, lui succède sur le trône, la Régence est assurée par sa mère Marie de Médicis, aidée de son favori Concino Concini.
1615 : Edit de la Régente interdisant aux non-catholiques l'entrée et le séjour dans les Colonies.
1617 : Louis XIII fait assassiner Concino Concini, prend le pouvoir et entre en guerre avec sa mère…
1624 :Armand Jean du Plessis, cardinal de Richelieu, entre au Conseil du Roi : Il propose au Roi de lutter contre les Huguenots et de prendre le contrôle de la noblesse, trop indépendante. Il crée officiellement la Marine Royale, supprime la fonction d'Amiral de France pour centraliser les grandes décisions maritimes et mettre la Marine à l'abri des grands seigneurs. Il crée à son profit la charge de Grand-maître et Surintendant général de la Navigation et Commerce de France, il obtient le gouvernement de la plupart des ports du royaume…
1625 :Un convoi de galions espagnols, en partance pour le Mexique, s’arrête en Guadeloupe pour faire de l’eau (aiguade) : ils sont attaqués par les Caraïbes, qui font 17 morts dont 2 Jésuites et de nombreux blessés.
1626 :: Richelieu suit la demande de d’Esnanbuc et de Roissey et crée le 31 octobre avec 12 autres associés la Compagnie de St Christophe pour exploiter cette première implantation française aux Ante-Isles ainsi que les îles voisines : " Nous, soussignés, reconnaissons et confessons avoir fait et faire par ces présentes fidelle association entre nous pour envoyer sous la conduite des sieurs d’Enambuc et du Rossey, capitaines de marine, ou tels autres que bon nous semblera de choisir et nommer, pour faire habiter et peupler les Isles de Saint-Christophe et la Barbade et autres situées à l’entrée du Pérou, depuis le onzième jusqu’au dixhuitième degré de la ligne équinoctiale, qui ne sont point possédées par des Princes chrétiens, et ce tant afin de faire instruire les habitans desdites Isles en la religion catholique, apostolique et romaine, que pour y trafiquer et négociers des deniers et marchandises qui se pourront recueillir et tirer desdites Isles..." La "catholisation" est en route avec l'arrivée des premiers colons officiels l'année suivante...
1627 : Belain d’Esnambuc trouve à son arrivée "officielle" à St Christophe une petite colonie d’une quarantaine de huguenots français commandés par le capitaine Jehan Le Vasseur.
14 missions Jésuites protègent de l’esclavage 30.000 indiens Guarani au Paraguay, à la frontière des colonies espagnoles et portugaises : les Jésuites commencent à déranger les 2 premières puissances coloniales…
1633 :D’Esnambuc revient à St Christophe avec des engagés et 2 pères Capucins de la province de Normandie, les R.P. Hyacinthe de Caen et Martien de Caudebec.
1634 :Procès de Galileo Galilei à Rome : " Nous déclarons que toi, Galilée, t'es rendu fort suspect d'hérésie, pour avoir tenu cette fausse doctrine du mouvement de la Terre et repos du Soleil. Conséquemment, avec un cœur sincère, il faut que tu abjures et maudisses devant nous ces erreurs et ces hérésies contraires à l’Église" ...
1635 : A St Christophe, le supérieur de la mission des Capucins est le R.P. Raphaël de Dieppe, accompagné du R.P. Hyacinthe de Caen.
Les associés de la Compagnie de St Christophe décident d'augmenter la colonie de St Christophe et d'établir des colonies dans les îles voisines. Le 12 février, ils se réunissent chez Berruyer et Richelieu signe la transformation ou "Contrat du Rétablissement de la Compagnie des Isles de l’Amérique"
Le 13 février, Charles Liénard de L'Olive associé à Jean du Plessis d’Ossonville reçoivent de la Compagnie des Isles d’Amérique la Commission pour coloniser la Guadeloupe. Selon le R.P. Breton : " Ces Messieurs donc après s'être chargés de la direction et maniement de l'île de Sainct-Christophle, résolurent de faire une autre colonie en celle de la Guadeloupe et endonnèrent la commission à M. de LOlive, lieutenant de M. d’Esnambuc à Sainct-Christophle, gentilhomme courageux et à M. du Plessis, advocat d'un bon esprit et d'une humeur grandement douce, qu'ils chargèrent d'emmener avecdesprebstres,delesentreteniravecleurs chappelles chacun en son cartier. Ayant laissé la liberté aux Seigneurs de la compagnie de leur en donner, M. le cardinal de Richelieu en demanda au R.P. Carré, prieur du noviciat général de Paris, lequel l'ayant proposé le soir mesme à ses religieux, les trouva tous disposés de porter la croix de Nostre Seigneur, de paroles et d'effect en des pais si éloignés. Après donc bien de la délibération, le R.P. Carré en destina quatre : le R.P. Pélican, docteur en Théologie, religieux du couvent de Chartres, le R.P. Nicolas Breschet de Sainct-Dominique, du couvent de Troyes,le R.P. Raymond Breton, du couvent de Beaulne et le RJP. Pierre Griffon de La Croix, du couvent de Rheims, qui tous avec plusieurs autres sestoient retirés au noviciat pour y embrasser l'observance régulière. Le R.P. Pélican étoit le Supérieur et après luy en cas de mort ou d'absence, le P. Nicolas.Les Seigneurs de la Compagnie leur donnèrent quelque pièce d'argent pour se pourvoir d'ornements, livres et autres choses nécessaires pour le service divin.Mais tout premièrement on eust soin de faire approuver nostre dessein au Saint-Siège et obtenir des facultés et privilèges, ce qu'on obtint facilement et on les reçeust avec joye de se voir appuyés du Sainct-Siège en cette entreprise " Le 7 mars, lors de la réunion de la nouvelle Compagnie, est décidé entre autres :" A été arresté qu’il serait donné par charité aux quatre religieux jacobins réformés qui iront avec lesdits sieurs Lolive et du Plessis la somme de quatre cents livres pour leur voyage à Dieppe et ce qui leur fera besoin avant leur embarquement, et pour acheter quelques ornements et livres, outre ce que lesdits sieurs Lolive et du Plessis sont obligés de leur donner, et que ladite somme de 400 cents livres sera baillée par ledit sieur du Herteley pour cet effet en cette ville entre les mains du sieur Berruyer, l’un des directeurs."
Un bref apostolique accorde ces pouvoirs aux 4 Dominicains le 12 juillet, alors qu'ils sont déja en Guadeloupe :
Ils partent de Dieppe le 25 mai sur 2 navires avec des 400 engagés, essentiellement Normands et Bretons avec un contrat de 3 ans qui servait à payer leur passage, et les 4 missionnaires de l’Ordre de St Dominique. Le 25 juin, ils font escale à la Martinique, plantent le drapeau du Roi et la Croix avec un Te Deum et repartent le lendemain. Le 27 juin, ils arrivent en vue de la Guadeloupe. Le 28 juin, ces premiers colons et les 4 Dominicains débarquent à l’ouest de la Pointe Allègre à Nogent, l’actuelle Ste Rose, dans ce qui sera baptisée plus tard Anse Vieux Fort. Selon le R.P. Pelican : " Nous ne mismes pas néantmoins pied à terre le jour mesme ains seulement le lendemain qui estoit jeudy veille des Apôtres Sainct Pierre et Sainct Paul où nous commençasmes de sanctifier ceste isle y célébrants la messe en actions de grâces d’un voyage si heureux. Nous applicames trois messes l’une pour notre Roy très chétien et Monseigneur l’Eminentissime Cardinal Duc de Richelieu notre fondateur, la seconde pour Monsieur le Président Fouquet et Messieurs de la Compagnie d’Amérique et la troisième pour vostre noviciat et tous les bienfaiteurs quinous ontassistédeleur charité ennostre voyage..." Les colons s’installent progressivement. Les 2 chefs ne s’entendent guère… L’Olive fait construire le fortin St Pierre à l’ouest de la Pointe Allègre au confluent de la rivière Vieux-Fort, Du Plessis s’installe avec une partie de la troupe à l’est de la Pointe Allègre, où il fait construire son fortin Petit Fort. Selon le R.P. Pelican : " Messieurs nos capitaines ont pris chacun le lieu de leur habitation qui n'est pourtant esloigné l'une de l'autre que de la portée d'un mousquet. A celle de Monsieur l'Olive nous fismesuneprocessionlejourdelaVisitationdeNostre Dame qui fut le quatrième de notre arrivée au mesme lieu. Il a faict dresser un fort qui est bien clos et environné proche d'une rivière douce." " Nous fimes dresser dans ce fort le dimanche huistième de juillet une Croix d'un beau boys rouge et fort dur de ta hauteur de quinze pieds, laquelle nous saluammes et honnorames d'une seconde procession... Quant à nostre demeure nous sommes logés sur un petit fort qui est à la vue de la mer tout contre Monsieur L'Olive. II nous y a faict accomoder tout ce qui est nécessaire pour nostre logement mais d’autant qu'il espère transférer sa demeure plus haut à un lieu plus commode qui est esloigné de deux ou trois lieux de celuy où il est à cause d'une rivière d'eau douce où les barques peuvent entrer aisément.Il différera de nous bastir le couvent désirant nous avoir toujours à ses costés et proches de luy partout où il sera et ainsy nous a il promis que transférant sa résidence au lieu susdit il nous ferait bastir un petit monastère" Selon le R.P. Breton, au lendemain du débarquement les Dominicains s’étaient divisés : les PP. Pélican et Bruchet, dit de Saint-Dominique,avaient suivi L’Olive et avaient construit une petite chapelle : Notre-Dame du Rosaire. Les PP. Breton et Nicolas Griffon, dit de La Croix avaient logé près de Du Plessis et édifié un oratoire en l’honneur de Saint-Hyacinthe. Le 18 aôut, le R.P. Pelican envoie une lettre à son supérieur le R.P. Carré, dont nous avons déja vu quelques extraits et conclut : " Le Révérend Père deLaCroix est allité d'une petite fièvre lente. Je crois que nous reprendrons tous nos forces si tost que nous aurons peu un peu séiourné avec repos à nostre petite habitation d'oùde par tous les trois Révérends Pères Nicolas de Sainct Dominique, Raymond Breton et Pierre de La Croix nous prions incessamment pour Vostre Révérence que nous saluons très affectueusement ..." Le R.P. Nicolas de la Croix, très affaibli, rentre en France en passant par St Christophe. L'Olive part à St Christophe pour y amener de nombreux malades, accompagné du R.P. Raymond Breton. La famine s'installe... Du Plessis, qui était pour une cohabitation à l'amiable avec le peuple Caraïbe, meurt le 4 novembre, la cérémonie d’enterrement est célébrée par le R.P. Pélican, qui va bientôt rentrer en France, malade lui aussi, pour demander de l'aide... Le R.P. Griffon de La Croix, malade, rentrera aussi en France en cette fin 1635.
Le 15 septembre, Pierre Belain, sieur d'Esmanbuc, repart de St Christophe et prend possession de la Martinique : "… j’ai pris pleine et entière possession de ladite île de la Martinique pour et au nom du roi notre sire, Monseigneur le cardinal de Richelieu et nos seigneurs de la Compagnie et j’ai fait planter la croix et arborer le pavillon de France, le tout pour l’augmentation de la foi catholique, apostolique et romaine et pour faire profit de ladite île au roi et à nos dits seigneurs suivant les commissions à nous octroyées par Sa Majesté... " Selon le R.P. Breton, la Croix a été plantée par le R.P. Capucin Hyacinthe de Caen. Il laisse une petite colonie commandée par Jean du Pont.
Le 17 novembre, D’Esnambuc prend possession de la Dominique au nom du Roy et laisse une petite colonie commandée par Philippe de La Vallée.
En parallèle, les Capucins, qui ont déjà envoyé quelques missionnaires à St Christophe, n’ont reçu aucune recommandation du Pape, le R.P. Hyacinthe de retour de St Christophe de rapproche de Louis XIII, qui leur semble favorable et écrit le 30 septembre au Provincial des Capucins de Normandie : " Cher et bien-aimé, ayant su qu’en l’isle de St Christophe et autres isles voisines…les François qui y demeurent et habitent ordinairement et ceux qui y vont pourroient recevoir de l’instruction et consolation spirituelle par l’assistance des Capucins de la province de Normandie, où se font les embarquements pour aller audits lieux. Nous avons voulu vous faire cette lettre pour vous faire scavoir que non seulement nous trouvons bon mais que nous désirons et nous plait que vous emploiyez vos religieux à cet effet sans aucune difficulté et nous le ferons entendre à nostre Sainct Père le Pape qui sans doute l’aura bien agréable…" Le Pape Urbain VIII qui vient d’accorder ces pouvoirs aux Dominicains, ne donnera pas suite…
A la réunion mensuelle de la Compagnie des Isles, le 5 décembre, les associés répondent à la demande de D’Esnambuc qui réclame des Capucins : " A été fait lecture des lettres écrites à monsieur Foucquet par le sieur Desnambuc, capitaine en l’isle Saint-Christophe, et arrêté suivant sa réquisition qui lui sera envoyé quatre religieux capucins pour demeurer en la dite isle." Et lors de la même réunion, ils répondent pour la Guadeloupe : " A été fait lecture des lettres du père Pélican et des sieurs de Lolive et du Plessis, capitaines de la Guadeloupe, et arrêté qu’il serait envoyé l’année prochaine en ladite isle de la Guadeloupe, six religieux jacobins réformés auxquels il sera donné tant pour les conduire de Paris à Dieppe que pour leur acheter des calices, chasubles et autres choses propres pour leur église, la somme de six cents livres"
1636 :L'Olive revient de St Christophe dans les premiers jours de l'année et retrouve la petite colonie de Guadeloupe dans la misèreet décide de changer l'implantation de la colonie.Il embarque les survivants dans la chaloupeet débarque à la Basse-Terresur le site de Vieux Fort , où il construit Fort L'Olive. Il rentre en guerre avec les Caraibes, malgré l'interposition du R.P. Raymond Breton...
Le 7 mai, lors de la réunion mensuelle de la Compagnie, les associés demandent à D'Esnambuc " Qu’il ne permette que ceux de la religion prétendue réformée qui sont dans l’isle de Saint-Christophe s’assemblent pour faire leur prières, ni qu’ils aillent au prêche des Anglais, ce sera un moyen de satisfaire à la volonté du Roy qui a obligé la Compagnie à n’en point avoir que de catholiques"
Louis XIII intervient à nouveau début juin auprès du Provincial des Capucins : "…J’ai donné à mon ambassadeur à Rome de lui faire entendre le mérite et mes intentions sur ce sujet. Et d’autant que le temps de leur embarquement ne peut se différer davantage, je désire que pour ne laisser perdre cette occasion vous députiez quatre de vos pères pour faire ce voyage. J’aurais soin que les choses nécessaires leur soit pourvues par delà…"
Le 4 juin, lors de la réunion des directeurs de la Compagnie,pour St Christophe : "M. Foucquet a dict que cy devant il avoit esté résolu qu'il seroit envoyé en l'isle Saint-Christofle des pères Capucins du moins jusques au nombre de six, sans qu'il ayt esté lors pourveu à leur entretien et nourriture; et d'aultant qu'il est à propos de les faire passer au plus tost, qu'il seroit bon de leur aulmosner quelque somme pour ayder à leur nourriture, a esté résolu qu'il sera donné par aulmosne aus d. pères Capucins 400 livres, pour estre employées en vivres pour porter en la d. isle pour leur nourriture, attendant qu'ils puissent recueillir des fruictz et avoir faict des vivres dans les terres qui leur seront baillées. Qu'il leur sera encore donné un mandement sur le commis de la Compagnie pour leur fournir jusques à mille livres de pétun pour avoir ce qui leur sera nécessaire sur les lieux. Qu'il leur sera procuré par la Compagnie jusques à 300 livres pour employer en ornemens d'esglize et choses nécessaires pour la célébration du service divin. Et qu'il sera escript à M. d'Esnambuc qu'il leur donne un lieu propre pour les loger et ceux qui seront envoyez cy après dans la d. isle avec une quantité de terres capable pour y faire des vivres pour leur nourriture, et que proche du d. lieu il soit désigné une place pour y faire bastir une esglize. A esté aussy résolu d'escripre au d. sieur d'Esnambuc qu'il face donner aus d. pères Capucins un autre lieu proche de l'habitation du sr Du Halde ou à la Poincte de Sable pour y faire bastir aussy une esglize et logement pour les d. pères et des terres pour y faire des vivres, estant nécessaire qu'ils se séparent en deux ou trois différents endroits de l'isle pour plus facilement subvenir aux malades, les consoler et leur administer les sacremens."
Lors de la même réunion, pour les Dominicains de la Guadeloupe : " A été résolu qu’il serait mandé au sieur Lolive qu’au lieu de nourrir à sa table les dits religieux, il leur donne par chacun mois ou semaine une quantité de vivres suffisants pour leur nourriture, eu égard au nombre de religieux qui sera dans l’île, afin qu’ils les ménagent et puisse[nt] vivre en leur particulier, et qu’il donne avis à la Compagnie de la quantité de vivres qu’il leur accordera afin qu’elle sache s’il aura satisfait ce à quoi il est obligé par son contrat, et que outre ce, il leur fasse accommoder quelque logement séparé dans le fort, ou proche d’icelui, afin qu’ils aient le moyen d’observer quelque régularité, qu’il leur fasse bâtir une église et qu’il leur désigne une quantité de terres en lieu commode pour les faire cultiver lorsqu’ils auront fait passer des personnes pour cet effet" " A été accordé audit père Carré que les pères jacobins, qui sont à présent et seront ci-après envoyés dans l’île de la Guadeloupe, pourront revenir en France par l’ordre et congé du supérieur de la mission qui sera dans l’île sans prendre autre permission que la présente, à condition toutefois qu’il restera au moins quatre prêtres et qu’ils ne sortiront de l’île sans en avertir celui qui y commandera et le principal commis de la Compagnie, et que lesdits religieux qui repasseront en France, pourront ramener un de leurs serviteurs domestiques sans que pour ce ils soient tenus de payer aucune chose pour leur passage "
Comme demandé, 6 Capucins - Raphaël de Dieppe en tant que Supérieur,JosephdeCaen,Archangedu Havre, Jean-Baptiste deAndelys,Pacifiqued’Eu etPaulinde Tours- quittent ainsi la France pour St Christophe en juillet. Mais il faudra attendre 1642 pour que leur mission reçoive l’approbation du Pape…
A la réunion des associés du 6 septembre, la Compagnie demande pour la Martinique à D'Esnambuc " Que ledit sieur Desnambuc ne souffrira qu’il s’habitue aucun étranger ou de la religion prétendue réformée à la Martinique afin qu’il ne nous soit imputé de n’avoir pas exécuté précisément les articles accordés par sa majesté à la Compagnie." Le 3 décembre, les associés décident" Qu’on fera passer des pères capucins à l’isle de la Martinique, et que, pour cet effet, il en sera écrit au père Raphaël de Dieppe, supérieur de la mission de l’isle Saint-Christophe"
Belain d’Esnambuc décède à St Christophe en décembre, son lieutenant Pierre du Halde le remplace en intérim.
1637 : Le 7 Janvier, lors de la réunion des associés de la Compagnie " Le sieur Berruyer a fait entendre qu’il avait vu le père Carré, supérieur du noviciat des Jacobins, pour savoir s’il désirait continuer d’envoyer des religieux de son ordre à l’Isle de la Guadeloupe, lequel lui a dit avoir mandé ceux qui sont en ladite Isle pour revenir, ne désire pas établir de ses religieux en ladite Isle. Sur quoi a été résolu qu’il sera envoyé au plus tôt deux autres pères capucins en ladite Isle, et qu’il leur sera donné deux cents livres pour aider à leur établissement, outre ce que le sieur Lolive est obligé de donner pour la subsistance des religieux qui seront envoyés en ladite isle."
A St Christophe, 4 des 6 Capucins rentrent en France dés février. 2 nouveaux Capucins, Daniel de Canouville et Protais de Caen, partent fin février. Ils arrivent en Guadeloupe après une traversée de plus de 2 mois, mourants, le R.P. Dominicain Raymond Breton leur administre les sacrements et ils décèdent le lendemain et le surlendemain…
Le 4 mars, lors de la réunion des associés, la Compagnie décide " Que ledit sieur du Herteley donnera trois cents livres aux deux pères capucins qui doivent partir du Havre avec un serviteur pour aller à la Guadeloupe, outre les deux autres pères qui sont partis dans le vaisseau du capitaine Felles de Dieppe, payera même le passage dudit serviteur, s’il ne le peut faire passer autrement ". " Qu’il sera écrit au sieur de Lolive qu’il permette aux deux religieux Jacobins qui sont à la Guadeloupe de revenir en France dans le premier vaisseau qui reviendra, et qu’il fasse charger leurs coffres et hardes et tout ce qu’ils voudront emporter, à la réserve de ce qui est contenu dans le mémoire signé du père Carré, leur supérieur, qu’ils laisseront aux pères Capucins pour la célébration du service divin" Le remplacement des Dominicains par les Capucins semble acté...
Arrivent donc en avril 2 autres Capucins, les R.P. Polycarpe et Marian. Ce dernier demande rapidement son retour en France, ils repartiront tous les 2 début 1638. Les Capucins semblent avoir du mal à s'adapter...
Le R.P. Dominicain Nicolas Breschet de Sainct-Dominique, malade, rentre aussi en France, où il va mourir.
Jacques Berruyer, l'un des directeurs de la Compagnie, se plaint au Supérieur des Dominicains le R.P. Carré, de n'avoir pas été informés du retour de 3 des 4 Dominicains arrivés en Guadeloupe avec le R.P. Breton, qui est resté seul...
1638 : Philippe Lonvilliers de Poincy, chevalier de Malte, reçoit de la Compagnie des Isles d’Amérique la commission de capitaine général de l'île Saint-Christophe le 6 janvier et, grâce à Richelieu son protecteur, le 14 février la charge de gouverneur et lieutenant général pour le Roy de toutes les Isles d’Amérique.
A la réunion des associés de la Compagnie du 7 juillet " Sur ce que mande le sieur du Herteley qu’il y a trois pères capucins qui font état de s’embarquer au Havre dans un vaisseau qui se prépare pour aller aux isles, A été arrêté qu’il leur sera baillé trois cents livres pour leur aider à avoir quelques rafraîchissements et autres choses nécessaires pour porter aux isles."
A la réunion du 1er septembre "Sa majesté ayant défendu de passer aux isles aucun qui fut reconnu d’être de la religion prétendue réformée, sera fait défenses aux habitants de vendre à ceux de ladite religion prétendue réformée qui par mégarde y pourraient être passés, aucune habitation, sauf à leur donner quelques terres à défricher pour y demeurer quelques temps s’ils donnent espérance d’une prompte conversion, sans toutefois qu’ils puissent faire aucun exercice de leur religion prétendue réformée."
Et le 6 octobre " Sur ce qui a été représenté par monsieur Foucquet que la case du père jacobin qui restait dans l’isle de la Guadeloupe ayant été brûlée, les ornements l’ont aussi été, et une partie du calice et ciboire d’argent fondus, qu’il serait bien à propos d’y en renvoyer d’autres. A été résolu qu’il y serait envoyé au plus tôt un calice d’argent et un d’étain, un ciboire d’argent et deux chasubles de camelot, chacune desquelles sera doublée pour servir de deux couleurs, et ce qui est nécessaire pour les ornements de la chapelle " : il s'agit du R.P. Raymond Breton qui parle de cet incendie dans sa "Relation..."
Malgré son insistance à maintenir les Capucins en Guadeloupe, et devant leur refus, la Compagnie finira par accepter le maintien des Dominicains le 1er décembre: " Les deux pères capucins qui étaient en l’isle de la Guadeloupe étaient repassés en France, ayant laissé dans l’isle le père jacobin qui seul y était avec lesdits pères capucins, lesquels auraient témoigné audit sieur, passant par cette ville, qu’ils ne retourneraient en ladite isle, ni autres de leurs pères, pour n’avoir trouvé l’esprit du gouverneur disposé à les recevoir seuls dans ladite isle, et leur ayant témoigné qu’il avait plus d’affection aux pères jacobins, ce qui aurait donné sujet audit sieur de conférer avec le père Carré, supérieur des dits pères jacobins du noviciat, pour y renvoyer des religieux de son ordre, ce qu’il aurait agréé, leur donnant le moyen d’y subsister pour cet effet, aurait fait quelques propositions, lesquelles entendues, la Compagnie a accordé audit père Carré pour lesdits jacobins ce qui ensuit. Savoir est qu’envoyant l’année présente trois religieux de leur ordre et trois hommes pour les servir et travailler, ladite Compagnie les fera passer à ses dépens dans l’isle de la Guadeloupe et leur donnera trois cents livres en argent pour leur aider à avoir des rafraîchissements et autres choses nécessaires pour leur voyage..." " et s’ils veulent faire passer en ladite année 1639 encore trois religieux, la Compagnie payera leur passage et leur donnera pareille somme de trois cents livres..." " La Compagnie enverra la présente année, pour la chapelle de la Guadeloupe, un calice et un ciboire d’argent et un calice d’étain et deux chasubles de double couleur."
1639 :A St Christophe, il ne reste plus que 3 Capucins.
Sous l’impulsion du Président Fouquet,lassé des conflits entre Dominicains et Capucins, et malgré la demande du gouverneur Du Parquet de Dominicains ou de Capucins, la Compagnie décide de faire passer à la Martinique des Jésuites, en leur octroyant des privilèges sensiblement équivalant à ceux des deux autres ordres.
LeSupérieurdesJésuitesdésigne 3 religieux,les R.P. CharlesHempteau et Jacques Bouton et le Frère Barthélemy Leclerc, qui s’embarquent le 25 novembre 1639 à Nantes à destination de la Martinique. A leur arrivée, la Compagnie rappelle au gouverneur Du Parquet et aux Jésuitesqu’ils sont là pour œuvrer à “la gloire de Dieu et à l’instruction des François et des Sauvages"
Le 5 octobre, la Compagnie confirme l'envoi des Dominicains en Guadeloupe : " A été accordé auxdits pères Jacobins de faire passer aux frais de la Compagnie dans l’isle de la Guadeloupe par la première commodité trois de leurs religieux prêtres et trois autres de leurs religieux si bon leur semble, et leur donne trois cents livres pour employer en rafraîchissements ou autres leur nécessités et habits, et deux cents livres pour employer en achat d’un calice et boîte d’argent pour mettre le Saint-Sacrement, et un calice d’étain et deux chasubles de camelot de deux différentes couleurs chacune suivant qu’il a été ci-devant arrêté, de leur faire passer les années suivantes aux dépens de la Compagnie tel nombre de leurs religieux que bon leur semblera, pourvu qu’il n’en passe point plus de quatre par chacun an, dont il y aura toujours du moins la moitié qui seront prêtres "
1640 : La Compagnie a envoyé en Guadeloupe 6 Dominicains dont 3 frères convers, selon le R.P. Breton : "le R.P. Nicolas de la Mare, religieux du couvent de Sens, docteur de Sorbonne, avec le R.P. Jean de Saint-Paul et le R.P. Jean-Baptiste de Sainte-Ursule,prestres,et trois frères convers, le Fr. Jacques des Martyrs, le Fr. Nicolas de Saint-Dominique et le Fr.Estiennede l’Assomption qui n’estoit pas encorprofès" . A noter que Jean Baptiste de Sainte-Ursule signera ses oeuvres "Jean-Baptiste du Tertre", son patronyme civil... Ils partent de Dieppe le 7 janvier et arrivent en Guadeloupe le 4 mars après être passé saluer en Martinique le gouverneur Du Parquet. A leur arrivée, ils trouvent le R.P. Breton " dans une si grande misère qu’il n’étoit plus couvert que d’un méchant habit de toile. Il étoit dans une nécessité absolue de toutes choses et souffroit des fatigues si étranges que je me suis mille fois estonné de ce qu’un homme ait tant enduré sans mourir"...
Les Dominicains disposent de 5 lieux de culte, 2 églises avec un culte permanent : Notre-Dame-du Rosaire et Saint-Hyacinthe à Basse-Terre, et 3 chapelles avec un culte intermittent : Saint-Joseph au quartier des Vieux-Habitants, Saint-Jean-Baptiste à la Grand’anse du Vieux Fort, et de Tous-les-Saints à Sainte-Marie. Ils baptiseront l'année suivante 60 noirs à Ste Hyacinthe.
Le R.P. Jésuite Jacques Bouton est rentré en France et publie sa « Relation de l’Establissement des Français depuis 1635, en l’Isle de la Martinique, l’une des Antisles de l’Amérique » Il écrit dans sa dédicace à « MM. de la Compagnie des Isles de l’Amérique » : « Nos François sont tels pour ce qui est des mœurs que peuvent estre des peuples presque abandonnés de tout concours spirituel, sans messe, sans prestre, sans prédicateur, sans sacrement, dans une trop grande licence, liberté, impunité…Nous voulons néanmoins croire que nos François ne sont pas si vicieux et si mauvais qu’on le fait en France, quoy que nous ne puissions nier qu’il n’y ait des hérétiques et quelques libertins et athées, esprits stupides et brutaux dont le nombre ne peut estre si petit qu’il ne soit trop grand »…
A St Christophe, les Capucins semblent dans le dénument, à la réunion des associés de la Compagnie du 5 mai : " Sur ce que le sieur Chanut a représenté à la Compagnie que le révérend père Pacifique, capucin, lui avait écrit que les pères capucins résidant à Saint-Christophe avaient grand besoin d’être secourus de vêtements, a été résolu qu’il sera mis la somme de deux cents livres entre les mains de celui des pères capucins à Rouen chargé des affaires de leurs missions ès isles de l’Amérique pour être employés en achat d’étoffes pour leur vêtement."
1641 : Un premier traité de paix est signée avec les Caraïbes qui abandonnent la Guadeloupe et acceptent de se retirer à la Dominique, qui leur est attribuée.
Le 7 juillet, à la réunion des associés de la Compagnie : " Ledit sieur Berruyer ayant représenté que les pères jacobins réformés destinés pour aller à la Guadeloupe n’avaient pu passer dans les vaisseaux partis après Pâques pour être demeurés malades en la ville de Dieppe plus de six semaines, où ils seraient demeurés redevables de quelques sommes de deniers envers le chirurgien et apothicaire, ayant employé ce que la Compagnie leur avait ci-devant accordé en ornements, habits pour les pères étant en ladite Guadeloupe, et qu’ils n’avaient de quoi retourner audit Dieppe. La Compagnie a ordonné qu’il leur sera encore baillé la somme de deux cents livres pour satisfaire à ce que dessus." " Comme aussi monsieur Chanut ayant fait lecture d’une lettre du père Joseph de Changoubert, capucin, pour le passage de ses pères à Saint-Christophe, a été résolu qu’il leur sera payé en Normandie deux cents livres pour leurs nécessités afin de s’embarquer dans les vaisseaux qui s’apprêtent pour les isles."
Selon le R.P. Breton, " le 5 d’octobre...arrivèrent deux prestres : Le P. Vincent Michel, et le P. Dominique de Sainct-Gilles et le frère Charles de Sainct-Raymond, convers". Le P. Vincent Michel meurt peu après son arrivée le 18 novembre… Le R.P. Breton est - enfin - envoyé à sa demande à la Dominique par son supérieur Nicolas de la Marre avec le frère Charles de St Raymond pour aller convertir les Caraibes : le gouverneur Aubert n’est pas d’accord, l’accueil des Caraïbes est difficile, mais malgré tout, le R.P. Breton va faire plusieurs séjours au milieu d’eux, on lui doit le premier dictionnaire français/caraïbe publié en 1665.
Le capitaine Le Vasseur est envoyé par le gouverneur De Poincy commander l’île de la Tortue, ce qui permet au gouverneur de se débarrasser d’une trentaine de Huguenots, qui dérangent la catholicité de ce chevalier de Malte…
1642 : La mortalité chez les Dominicains de Guadeloupe s’accélère : Le R.P. Nicolas de la Mare, décède 2 ans après son arrivée. Le R.P. Dutertre prend sa place de supérieur de la mission ; Le F. Nicolas de Sainct Dominique, rentré en France malade, où il décède en avril.
A la Martinique, l'installation des Jésuites se renforce, à la réunion des associés de la Compagnie le 28 septembre : " Sur les demandes des révérends pères jésuites de la Martinique, leur est accordé cinq cents livres pour établir et meubler leurs habitations en ladite Martinique qui leur seront payés présentement comptant par monsieur Berruyer. Sera payé par la Compagnie le passage de deux ou trois pères et deux serviteurs dans les navires étant à Dieppe prêt à partir pour les isles "
Mort du Cardinal Richelieu, le cardinal Mazarin prend sa suite.
1643 : Dans une lettre adressée au pape Urbain VIII, Louis XIII souligne que l’évangélisation des Caraibesnécessite des “personnes dont la croyance soit aussi irréprochable que les mœurs, et la piété aussysignalée que le courage”, faisant l'apologie de la branche française des Dominicains réformés...
Mort de Louis XIII le 14 mai. Louis XIV, dit Dieudonné, monte sur le trône à 4 ans et demi. La Régence est assurée par sa mère Anne d’Autriche, qui maintient le cardinal Mazarin comme premier ministre.
1644 : Le Fr. Dominicain Estienne de l’Assomption décède en Guadeloupe.
1645 :Le 25 février, les seigneurs associés de la Compagnie des Isles d'Amérique nomment Noël Patrocle de Thoisy, lieutenant général des Isles d'Amérique pour remplacer Philippe de Lonvilliers de Poincy à St Christophe : la brouille avec la Compagnie se confirme.
Poincyexpulse les agents de la Compagnie à Saint-Christophe (Leumont, Marivet, Feuillet et Chevrollier) en juillet, qui doivent trouver refuge à la Guadeloupe… Patocle arrive en Martinique le 19 novembre, il passe par la Guadeloupe et repart pour St Christophe le 22, où Poincy et ses alliés l’empêchent de débarquer : il revient en Guadeloupe le 28. C’est le début d’une période de grande instabilité aux Antilles qui va durer quelques années…
A St Christophe, les Capucins semblent avoir pris position pour Patocle, en particulier le R.P. Jérome d’Evreux : ils vont tomber en disgrâce… En Guadeloupe, le Frère Dominicain Charles de St Raymond rentre en France demander de l’aide, il rentrera déçu...
Charles Houël revient de France le 25 mai, accompagné entre autres du R.P. Capucin Pacifique de Provins, qui avait été nommé Préfet Apostolique des Terres Françoises de l’Amérique dès 1642. La Compagnie le charge de fournir 4 "des premiers nègres qui viendront en ladite île" pour les Dominicains de Guadeloupe.
1646 : Le R.P. Pacifique de Provins rentre en France et prépare de nouveaux projets pour les Capucins dans les Isles. Il publie à Paris : " Brieve relation du voyage des Isles de l’Amérique "
Le R.P. Maurile de St Michel constate que les 5 Jésuites ont quitté la Martinique dans ce contexte de guerre civile entre les partisans de Poincy ou de Patocle dans nos isles...
Le 12 avril, le provincial Léon de Saint-Jean reçoit du général de l’ordre à Rome, Leo Bonifilius, les pouvoirs pour envoyer des religieux Carmes aux Isles d'Amérique. Philibert de Nouailly, écuyer, sieur de la Tour de Néron, obtient de la Compagnie le gouvernement de la Grenade le 10 juillet avec entre autre la mission de " l'instruction des Sauvages et administration des sacrements aux habitants " Il écrit au Provincial (Supérieur) Carme de Touraine Léon de St Jean : " Ayant recu de nos seigneurs des Indes une commission pour une nouvelle collonie dans les Indes Occidentalles de l'Amérique et en particulier estant establi gouverneur de l'une des plus belles et des meilleures isles de ces cantons appellés la Grenade, j'ay cru ne pouvoir plus dignemant m'acquitter de cette charge qu'en pourvoyant aux moyens d'y procurer la gloire de Dieu et l'extention du nom de Jésus-Christ ; et par une rencontre dont je m'estime heureux le Révérand Père Ambroise de Ste-Anne religieux Carme de vostre province de Touraine et ordinaire de votre famille de Tours estant a Nantes par occazion et ayant parlé avec lui de mon dessein, ma fait paroistre une grande ouverture de coeur et un zelle affectionné pour l'instruction des Sauvages (dont je suis expressement chargé par ma commission) et pour le maintien de la piété des principaux de mes associez qui font voyage en ces cantons esloignés qui desire estre assistez pour leur salut dont plusieurs ont entretenu le d Révérand Père Ambroize et qui seront ravis avec moi d'avoir l'honneur de l'avoir pour directeur et vous en suplie par celle-cy de le leur accorder et avoir agréable qu'il entre dans not compagnie "
Partis de Nantes le 18 juillet, De Nouailly arrive en Martinique le 31 août avec les 2 R.P. Carmes, Ambroise de Ste Anne et Maurile de St Michel, dans le but d'évangéliser la Grenade. De Nouailly tarde à prendre possession de la Grenade, insatisfait du contrat, il part demander de l'aide à De Poincy à St Christophe, toujours accompagné de nos 2 R.P. Carmes. De fait, il laisse le champ libre à Du Parquet qui va s'emparer de la Grenade par les armes, avant de l'acheter en 1650...
De Poincy garde à St Christophe les 2 Carmes : Ambroise de Ste Anne et Maurile de St Michel sont chargés de 2 églises et de l'hôpital.
" Et comme il y avoit long-temps qu’ils n’avoient esté preschez, chacun estoit affamé du pain céleste de la parole de Dieu…"
Les Carmes, arrivés aux Isles d'Amérique pour la colonisation de la Grenade, s'établissent d'abord à St Christophe.
Le cardinal Caponi de la Sacra Congregatio de Propaganda Fide écrit le 7 décembre au R.P. Armand de la Paix, devenu Préfet de la mission des Dominicains, pour lui confirmer leur mission en Guadeloupe : « Mon très révérend père, Il a plu à la Sacrée Congrégation de Propaganda Fide de se prévaloir de l’entremise de votre révérence en la mission apostolique en l’île de la Guadeloupe, où la congrégation s’assurant que vous pouvez faire grand profit, vous envoyez les incluses, avec le décret de la mission, et de la préfecture, avec les concessions des pouvoirs nécessaires, lui remettant en la mémoire les obligations particulières qu’ont les missionnaires de cette Sacrée Congrégation de s’abstenir, et leurs confrères aussi, des affaires politiques et de faire savoir tous les ans à la Sacrée Congrégation, une ou deux fois, l’état et le progrès de leurs missions. Et Dieu vous tienne en prospérité… »
1647 : Le R.P. Maurile de St Michel est allé voir les catholiques de St Eustache pendant que le R.P. Ambroise de Ste Anne est allé en Martinique, les 2 Carmes se retrouvent à St Christophe, ils s'occupent en priorité à "faire abjurer l'hérésie de Calvin" aux Protestants. Ils recoivent leur contrat d'établissement officiel de Robert de Lonvilliers, neveu de De Poincy :
Le R.P. Maurile rentre en France sur un navire de Honfleur rendre compte de la gestion de leur mission. Il traversela France avec 2 autres R.P., d'abbaye an abbaye jusqu'à Aix en Provence, où ils sont reçus par le Révérend Général des Carmes qui leur donne une obédience avec le pape. Ils embarquent à Toulon pour Rome.
La Mission des Pères Dominicains en Guadeloupe compte 5 missionnaires : le R.P. Raymond Breton, arrivé à la Guadeloupe en 1635, le R.P. Jean Dujan, arrivé en 1640, le R.P. Armand de la Paix, arrivé en 1643, devenu le Préfet de la Mission, le R.P. Mathias du Puis, arrivé en 1644 et le R. P. Picart arrivé en 1641, qui se meurt après une longue maladie. Le R.P. Armand de la Paix aidé par le R.P. Breton, envoie le 21 novembre à sa hiérarchie la : " Relation de l'isle de la Guadelouppe faite par les Missionnaires Dominicains à leur Général "
Côté Capucins, le R.P. Pacifique de Provins est établit en tant que Préfet de l’Acadie, de la Dominique, de Marie-Galante, de Saint-Vincent et de la Grenade en décembre.
1648 : Le R.P. Capucin Pacifique de Provins repart pour les Isles le 4 avril : après une traversée difficile, ils arrivent sur les côtes de Guyane et il disparait le 21 mai après avoir mis pied à Terre avec une partie de l’équipage, probablement capturés par les Indiens Galibis et peut-être mangés en boucan…Le capitaine repartira pour la Martinique sans eux au bout de quelques jours !
En Guadeloupe, les relations des Dominicains avec Houel deviennent difficiles depuis que le R.P. Armand de la Paix, supérieur de la mission, a osé demander à Houel de pacifier ses relations avec Thoisy…. Le R.P. Armand meurt d’une fièvre pourpre après être allé administrer les sacrements sur un navire arrivé dans la rade de Basse-Terre, dont la moitié de l’équipage était déjà mort pendant la traversée… Le R.P. Raymond Breton le remplace. Les Dominicains ne sont plus que 3 en Guadeloupe.
A St Christophe, arrivée des R.P. Carmes Cosme et Innocent.
Houël envoie Leroy du Mé prendre possession des Saintes avec une trentaine d'hommes, le R. P. Dominicain Mathias du Puis y arbore la Croix le 18 Octobre : " R. P. Mathias du Puys, dictus à S. Ioanne, Crucem Redemptionis nostræ in insula Guadalupœ, adjacente, quœ les Saintes vocatur, fixit, in Comitatu Domini du Mé, qui eiusdem insulæ fuerat gubernator electus & delegatus." La petite colonie ne durera que quelques mois du fait de la sécheresse et de l'absence d'eau douce...
Yves Le Cerqueux dit Lefort, ancien lieutenant de Du Parquet, gouverneur de la Martinique, a du quitter la Martinique suite à un violent conflit, il s'est réfugié chez Houël . Ce dernier l'envoie occuper Mariegalande avec une cinquantaine d'hommes. Ils arrivent le 8 novembre, s’installent sur ce qui deviendra Vieux Fort et construisent un petit fortin en bois. Pas d'écrit évoquant la présence d'un prêtre dans cette première implantation...
1649 : La Compagnie des Isles d’Amérique a fait faillite, le 4 septembre Jean de Boisseret signe le contrat de vente de " la dite isle de la Gardeloupe et isles adjacentes la Desirade, Marigalande et Xaintes ". De Boisseret devait cèder à son beau-frère Charles Houël la moitié de son acquisition, mais ce dernier va entrer en conflit avec lui pour la possession des îles…
A Basse-Terre, Houël s’attribue tous les droits, nomme les juges et décide d’un droit de capitation de 100 livres de tabac par habitant au-dessus de 10 ans. Il se brouille avec les 4 pères Dominicains en place qu’il expulse et décide de les remplacer… Le R.P. Pierre Colliard, commissaire et visiteur des Dominicains, venu renouveler leur mission, ne peut que repartir, son navire sera jeté par une tempête sur la côte anglaise. Les R.P. Mathias du Puy et Charles de St Raymond rentrent en France après être passés par St Christophe, ce dernier meurt sur le bateau de retour.
1650 : Houel, fâché avec les religieux de nombreux ordres, a chargé son beau-frère, De Boisseret, de négocier avec les Augustins réformés du faubourg Saint-Germain l’envoi de missionnaires. 2 pères Augustins, Égide Gendron et René Labourdais, vont rester quelques mois et mourir l'un après l'autre, les sacrements leur seront donnés par le R.P. Philippe de Beaumont, seul dominicain restant...
En mai, les lettres patentes autorisent "l’Etablissement des Religieux Carmes de la Province de Touraine aux Isles de l’Amérique".
A St. Christophe, le R.P. Innocent de Saint-Pierre, arrivé depuis moins d’un an, décède. Le R.P. Léon de Saint-Joseph le remplace puis rentre en France chercher des missionnaires. Le R.P. Ambroise de Sainte-Anne, devenu vicaire général du Carmel pour les Isles, est toujours sur place, aidé par le R.P. Cosme de la Présentation.
1651 : En Guadeloupe, arrivent le 2 février 4 nouveaux Pères Carmes tourangeaux : Athanase de Sainte-Radegonde, Thomas du Saint-Sacrement, Joseph de Saint-Claude et Jacques de l’Annonciation après 62 jours de traversée…Ce dernier est incapable de descendre du navire où il va mourir 10 jours après son arrivée. 3 des Pères devaient continuer vers St Christophe, tandis que Joseph de St Claude devait fonder une mission à St Martin, mais devant l’accueil des habitants et l’insistance de Houël, Joseph de St Claude va rester et devenir le Supérieur de cette nouvelle mission de Guadeloupe. Seuls les R.P. Athanase de Ste Radegonde et Thomas du St Sacrement vont ainsi repartir pour l’isle de St Christophe. Ambroise de Sainte-Anne, vicaire général du Carmel, apprend ainsi la nouvelle et part pour la Guadeloupe pour confirmer légalement avec Houël cet établissement. Le contrat ou " Acte de fondation entre Carmes, les Habitants et les Seigneurs fondateurs " est signé le 5 mars. Les Carmes reçoivent une église dans le bourg de Basse-Terre " qu’il faut finir de construire ", un couvent proche de l’église " pouvant accueillir 4 religieux avec jardin et verger ", une habitation sur les étages de la montagne de Torfou, 2 nègres esclaves, plus des facilités pour en acquérir d’autres, enfin des "droits de moulin à sucre et autre manufacture ". Leur habitation disposera rapidement de 2 moulins à sucre (à bêtes) et d’une marmite à eau de vie (alambic). En échange, les Carmes ont pour obligation de célébrer les offices religieux, d’administrer les sacrements et de catéchiser. En sus, 2 services solennels doivent être célébrés chaque année à la mémoire des Seigneurs fondateurs Charles Houël et Jean de Boisseret " à perpétuité "… Le 21 août, Ambroise de Ste Anne et Joseph de St Claude font en plus acquisition pour les Carmes d'une habitation à " Grand Anse de la Cabesterre" auprès d’un Flamand, Adrain Ture, une partie des 15.000 livres de pétun de la vente seront avancées par Houël.
Restent à St Christophe avec Ambroise de Sainte-Anne, Cosme de la Présentation, Athanase de Sainte-Radegonde et Thomas du Saint-Sacrement. Un autre navire doit amener 2 nouveaux Carmes aux Isles : le R.P. Léon de St Joseph, qui revient, meurt pendant la traversée et le R.P. Aubin du St Sacrement 4 jours après son arrivée à St Christophe...
1652 : En Guadeloupe,le R.P. Carme Athanase de Sainte-Radegonde, malade, doit rentrer en France. Le R.P. Cosme de la Présentation remplace Joseph de St Claude, qui rentre aussi en France, comme supérieur, il est rejoint par le R.P. Thomas du St Sacrement.
Le R.P. Carme Maurile de St Michel publie au Mans son expérience dans : " Voyage aux Isles Carmercanes en l’Amerique qui font partie des Indes Occidentales et une relation diversifiée de plusieurs Pensées pieuses et d'agréables remarques avec l'etablissement des RR. PP. Carmes Reformez de la Province de Touraine es dites isles " avec la permissiondu " Reverendissime Pere General, Prater loannes Antonius Philippinus, Sacra Theologia Magister "
Tout en justifiant la malédiction des noirs et l’esclavage par l’histoire biblique du fils maudit de Noé Cham, il semble avoir voulu un esclavage plus humain…voire l’émancipation : " J’ai toujours exhorté nos Français à traiter humainement et chrétiennement les pauvres Nègres, louant grandement ceux qui, en ayant retiré ce qu’ils leur ont coûté, leur donnent liberté en vue du christianisme "
A St Vincent, mission d’évangélisation des Jésuites avec les Pères Guillaume Aubergeon et François Gueimu.
Le R.P. Dominicain Mathias Du Puis publie à Caen après son retour en France : « Relation de l’Establissement d'une colonie françoise dans la Gardeloupe, Isle de l'Amérique et des moeurs des sauvages »l Ayant vécu les 3 à 4 années de quasi guerre civile aux Antilles, il écrit : «J’ai remarqué plus de révolutions que dans un grand empire, puisqu’on a vu un lieutenant général chassé, un autre mis à la chaîne, des révoltes de peuple, des traités, des persécutions de l’Église, des religieux bannis, des innocents opprimés, des coupables récompensés, des capitaines pendus, enfin de perpétuelles vicissitudes plus funestes qu’agréables »…
1653 : Le R.P. Ambroise de Ste Anne, malade, doit quitter St Christophe, et rentrer en France, il reviendra guéri en 1657.
1654 :Sacre de Louis XIV, 16 ans, à Reims.
En Guadeloupe, arrivent à partir du 28 février plusieurs navires hollandais portants les réfugiés après la reprise de Pernambuco au Brésil par les Portugais« 900 en descendirent à terre parmi lesquelles on comptait trois cents bons soldats wallons et flamands, tous habitués au climat, le reste était des maîtres de case qui avaient trois cents esclaves et deux cents femmes » : le gouverneur Houel les accueille à bras ouvert, contre l’avis des Jésuites, et leur donne des terres. Ces nouveaux arrivants sont en partie juifs et majoritairement protestants, cela va changer l’équilibre religieux de l’isle… Les religieux catholiques feront pression pour obtenir de leur part une abjuration plus ou moins sincère avant d’inscrire un baptême, ou un mariage, obligatoirement religieux…
Les Pères Dominicains de la Mission de Guadeloupe demandent au congrès de la Propaganda Fidei le soutien du Pape pour l'extension de leurs missions aux Antilles : "Ostium enim Evangelio. fratribusque Praedicatoribus apertum est magnum et evidens iis in partibus... turn ab Indis Insularum Dominicae, Antigae, Granatae, S. Luciae, Martinicae[Fratres Praedicatores] humane habeantur et in pluribus locis desiderantur ; qui si S. Sedis authoritate et benedictione confirmentur et animo et numero crescent. "
Les 2 Jésuitesenmissionà Saint-Vincent,GuillaumeAubergeonetFrançoisGueimu,sonttuésenplein officepardesCaraibes et “ les Sauvages font des sifflets de leurs os ”... La guerre contre les Caraibes bat son plein dans toutes les îles...
Le R.P. Dominicain Jean-Baptiste du Tertre publie à Paris : " Histoire générale, des isles de S. Christophe, de la Guadeloupe, de la Martinique, et autres dans l’Amérique »
Sur le baptême des esclaves, il écrit : "Les esclaves qui sont pris sur les Espagnols ou sur les Portugais sont ordinairement chrétiens quand ils nous sont vendus, car ils ne font point de difficulté de les baptiser sitôt qu'ils les ont achetés en Afrique dans l'espérance de les instruire quand ils seront chez eux. Mais ces sortes de baptisés n'en sont pas plus savants dans nos mystères et ne nous donnent pas moins de peine à instruire que ceux qui ne l'ont pas été." Ce baptême leur était donné par les prêtres portugais en Afrique, à l'embarquement sur la plage...
1655 : Le Père Jésuite Pierre Pelleprat rentre, alors que la guerre avec les Caraibes semble se calmer : " Je partis pour revenir en France le 16 février 1655, il y avait grandes dispositions à la paix et il ne s'y commettait plus aucun acte d'hostilité de part et d'autre" Il publie à Paris : " Relation des missions des P.P. de la Compagnie de Jésus dans les Isles et dans la terre ferme de l'Amérique Méridionale ":
Il raconte comment au début de 1654, alors qu'il se trouvait aux Grenadines au retour d'un voyage à la Terre Ferme, il vit sa barque assaillie par 300 guerriers qui dans 6 pirogues se rendaient à la Grenade : son salut fut dans ses voiles... A son arrivée dans les isles, il s’étonne de rencontrer des François "dans une entière ignorance des mystères de notre foi", il critique l'activité des missionnaires "du commencement, ils menèrent des prêtres, mais de mauvaise conduite, et peu propres pour régler un ramas de tant de sortes de gens, hommes et femmes" Il décrit les isles qu'il a visité : St Christophe, la Martinique, St Vincent et Marie Galande : " Cette dernière est la plus petite de toutes, mais aussi est-elle la plus riante et la plus agréable et c'est pour ce sujet que les Espagnols l'ont nommée Galande"...
" J'y passay aumois de novembre dernier pour y administrer les Sacremens à la colonie Françoise, qui depuis long-temps n'avoit pas veu de Prestre : j'y exposay le S.Sacrement pour l'oraison de quarante heures, et leur fis gaigner l'Indulgence que le S.Siege nous a donnée en faveur de ces Missions. Ces pauvres gens qui avoient esté privez depuis quatorze ou quinze mois de sermons, de Messes, et de Sacrement ne me laissoient pas manquer d'occupation; ils eussent bien désiré m'y retenir, mais j'étois obligé de retourner à la Gardeloupe..."
1656 : Parti de Dieppe, le R.P. Dominicain Bénigne Besson arrive à la Grenade le 17 juillet, après 3 semaines de séjour en Martinique. Il connaît “ la maladie de fièvres, de douleur et de souffrance qu'il porta presque sans relâche deux ans durant "...
1658 :Un bref du pape Alexandre VII confirme le R.P. Pierre Fontaine préfet de la mission des Dominicains « en l’isle Guadeloupe et adjacentes de l’Amérique » « Decretum sacrae congregationis de Propaganda Fide, habita die 13. Maÿ 1658. AD Relationem Eminentissimi Domini Cardinalis Alzolini, Sacra Congregatio Praefectum Missionum Fratrum Ordinis Pradicatorum, in Insula Guadalupae et aliis adjacentibus in America, Regi Christianissimo subjectis, cum solitis Facultatibus Privilegiisque ad septennium, declaravit Fratrem p. Petrum Fontaine eiusdem Ordinis Missionarium, in iisdem partibus a multis annis commorantem Cardinal Antonius Praefectus »
Le R.P. Philippe de Beaumont, supérieur des Dominicains en Guadeloupe, obtient par contrat de Houël une concession entre la rivière Saint-Louis et le Baillif avec 26 Noirs pour le moulin à sucre.
En Guadeloupe, les R.P. Carmes sont 2 : Claude de Saint-Jean, vicaire provincial du Carmel, et Ange de Saint-Jean.
A St Christophe, ils sont 3 : Séraphin de Saint-Pierre, Jean de la Croix et Victorin de Saint-Michel. Ce dernier passera en Guadeloupe l’année suivante.
1660 :Le R.P. Claude de Saint-Jean, vicaire Carme, affiche clairement son hostilité envers les Dominicains : " les R. Peres Jacobins estans allés faire une mission aux sauvages de la Dominique ne veulent pas souffrir que nous y allons a moins de dependre d'eux. Je ne connoy rien dans toutes les procedures de tous ces bons peres ; si c'est par un mouvement du St Esprit, j'avoue que toute ma Theologie est renversée "…
Mariegallante appartient désormais à la famille De Boisseret. La dame Magdelaine Houel, veuve De Boisseret la donne à ses 2 fils Charles de Boisseret, marquis d’Herblay et Jacques de Boisseret, marquis de Téméricourt.
Le 6 novembre, les fils de Boisseret font établir les Carmes " Religieux de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel " à Marie Gallante au nom de leur mère Magdelaine Houel et de leur oncle le Chevalier Robert Houël :
"Pardevant Simon Pigeon et Pierre Manicher, nottaires gardenottes jurez establis en partie de l'Isle Gardeloupe ... se sont comparus en leur personne Messire Charles de Boisseret, Chevalier Seigneur d'Herblay, Seigneur et propriétaire de Mariegallante et Messire Jacques de Boisseret Chevalier et Seigneur de Téméricourt aussi Seigneur en partie des Isles, soy faisant et portant fort pour Dame Magdelaine Houel dame de Boisseret, de Messire Robert Houel, Chevalier Seigneur d'Estrechy aussy Cosseigneur et le Révérend Père, frère Claude de Saint Jean, de l’Ordre de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel, Commissaire général et Vicaire provincial des Carmes Missionnaires de la Province de Touraine... a fondé et fonde par la présente pour d'huy en avant et a toujours un Couvent aux Religieux du dit Ordre dans l'Isle Mariegallante" " Pour la construction du dit Couvent s'oblige le dit Seigneur d'Herblay... donner aux dits religieux la quantité de 20.000 livres de pétun (tabac) à payer scavoir 6.000 livres au jour de la St Jean Baptiste 1662 et 7.000 à la St Jean en suivant et 7.000 restants à la St Jean 1664 " S'oblige le dit Seigneur fondateur fournir aux dits Religieux en attendant que le dit Couvent soit basti une caze en bois de sciage de longueur d'environ 20 pieds" " Donne le dit Seigneur aux dits Religieux une place de 3 à 400 pas en quarré a chacune des 2 chapelles qu'il sera besoin de bastir pour la commodité du peuple" " A chacun des dicts religieux quy deserviront en la ditte isle donne le dict seigneur fondateur par chacun an six mil livres de petun bon et loyal ou six mil de sucres ou valeur d'iceux en marchandise au choix des dicts religieux " ou 10 esclaves par an, " selon le choix du seigneur ". Ils obtiennent les droits de moulin à sucre, d’indigoterie et des facilités pour l'acquisition des esclaves. En échange, ils ont l’obligation de fournir de fournir le nombre de religieux nécessaires "selon la volonté du Seigneur", d’administrer les offices, les sacrements et les enterrements, de catéchiser les habitants.
Le 1er prêtre Carme, le R.P. Victorin de Saint Michel, arrive dans l’île début décembre, on lui fournit 10 esclaves.
1661 : Le R.P. Victorin meurt moins d'un an après son arrivée, le R.P. Séraphin de Saint Pierre écrit sur lui : "…R P Victorin de St-Michel dont j’apris hier, en sortant du confessional pour aller dire la grande messe, la mort ou plustost je croy le sommeil des Justes. Il mourut le 28 novembre 1661 a Marigallande ou il estoit en mission apres y avoir bien travaillé pour le salut de ces pauvres habitans presque un an… Il est mort de fatigue sans presque ressentir de mal avec un visage joyeux et tres content, faisant pleurer tous les habitans de voir si tost mourir celuy dont Dieu c’est servi si souvent pour leur donner la vraye santé et vie de leurs ames "…
Son successeur le R.P. Carme Ferdinand de Saint Claude arrive et fourni bientôt un " Estat de nostre maison de Marie Galande du 13me de novembre 1661 que j'y suis veneu pour y demeurer ":
" Une place environ 150 pas par 200 plantée en maignoc, patattes et pétun" " Un petite cazze palissadée de rondins couverte de rozeaux, plus 6 naigres, scavoir 3 naigres et 3 naigresses" " Pour les meubles : 1 pettitte table, 6 escabeaux (tabourets), 1 grand coffre et 1 petit, 1 cave de 15 flacons, 1 tasse en argent, 2 chaudières (casseroles), 1 grande et une petite, plus 2 platines pour faire la cassave, quelques serpes et haches, 1 douzenne de serviettes, plus 6 serviettes de lin et 1 nappe, plus 1 couverture et 1 hamac " " Provisions : 1 baril de boeuf plus 1 demi baril de lard " " Dettes de la maison : environ 4 mille de pétun" Il écrit un peu plus tard : " Presantement j'ay bien de la peinne estant tout seul et ay esté malade de fatigue, il me faut porter les ss sacrements aux malades jusques a quattre et ceinq lieue, je ne croy pas pouvoir resister longtemps s'il ne nous viens du secours " En décembre, Ferdinand de St Claude part en visite à St Christophe.
Mort du Cardinal Mazarin, Louis XIV ne nomme pas de premier ministre, mais il sera aidé par Colbert, devenu intendant des Finances après la disgrâce de Fouquet.
1662 : Les Carmes se structurent pour lancer leur sucrerie : le R.P. Carme Ferdinand de Saint Claude nous fournira en 1668 les " Acquisitions et augmentations faites en nostre maison de Marie-galande par moy Ferdinand de St Claude Supérieur de la dite maison "
Il a fait l’acquisition le 9 octobre " d'un magasin de Sylvestre Roussel, situé à la " Basse-Terre de cette Isle "(futur Grand Bourg), pour la quantité de 3.600 livres de sucres, suivant contrat passé par-devant Mr Legris, notaire à la Gardeloupe ". La Gardeloupe manque de prêtres, Magdelaine Houel, veuve de Boisseret, fait embarquer le 2 décembre un prêtre séculier, François Perdriel en qualité de chapelain pour ses enfants : " Fut présent discrepte personne M François Perdriel, prestre, de la parroisse de Manneviller-le-Goupil en Caux, de présent estant en ce lieu de Honnefleur, lequel s'est submis et obligé envers noble dame Madelaine Houël, marquise de Sainte-Marie, veuve de feu messire Jean de Boisseret, vivant conseiller du Roy en ses conseils, correcteur ordinaire en sa chambre des comptes, à Paris, seigneur du Rousset, Estrechy, Malassis, Herblay, Montigny en partie et autres lieux, des Isles de la Désirade, Marie-Galante, la Gardelouppe en partye et autres Isles en l'AmérIque, ladite dame estant de présent en ceste ville, ce acceptante, scavoir est par ledit sieur Perdriel s'embarquer touteffois et quantes dans le navire de ladite dame pour estre dans iceluy transporté en ladite isle de la Gardelouppe pour là estant par ledit sieur Perdriel faire sa demeure et résidence en la maison de Messieurs les enfants de ladite dame estant audit lieu de la Gardelouppe, et là en qualitté de chapellin y faire les fonctions que son ordre requiert pour lesdits seigneurs enfants de ladite dame et soubz leurs ordres et commandements pendant le temps et espace de trois ans. Ainsy faict au moyen de la somme de deux cents livres tournois pour chacun an..."
1663 : Le 14 avril, le R.P. Ferdinand de Saint Claude fait acquisition d’une "place du nommé Paul La Gaitte située à la Grande Ance, de 100 pas de large et 1000 de haut, pour la quantité de 4500 livres de pétun, fait par échange d’une autre placede la valeur autant, suivant contrat passé devant Mr Luce, notaire". Le 23 novembre, d’une "place située à la Grande Ance de 200 pas de large sur 1.000 de haut, du nommé Nicolas Alexandre pour la quantité de 3000 livres de sucre, suivant contrat qui se trouvera chez Mr Luce, notaire".
1664 :Par Edit royal du 28 mai, Colbert a obtenu la création de la Compagnie des Indes Occidentales. Elle reçoit, pour 40 ans, le monopole du commerce " dans les Isles et Terres fermes de l'Amérique" Le 10 juillet, la Compagnie des Indes Occidentales a racheté les îles à leurs seigneurs respectifs, dont Marie-Galante à Magdelaine Houël, veuve de Jean de Boisseret et remariée à Jean Bochart, seigneur de Champigny.
Les Carmes augmentent leurs terres, avec un nouveau terrain de 50 pas de large sur 1.000 de haut déjà défriché, acheté à Henri Gaisnon dit Lacavé pour 6.000 livres de sucre.
A St Christophe, décès du vicaire provincial Carme Claude de St Jean : il est remplacé par le R.P. Hyacinthe de la Ste Trinité. 1665 : Le 6 mars, Mr de Chambré prend possession de la Guadeloupe au nom de la Compagnie : les "Eclésiastiques " doivent prêter serment de fidélité au Roy et aux "Messieurs de la Compagnie", tout comme la Noblesse, le "Tiers Estat" et le Conseil souverain...
Le 17 mars, Prouville de Tracy émet le "Reglement pour le gouvernement et police" de la Guadeloupe et dépendances, il précise : " On fera venir au plus tôt qu’il sera possible…des prêtres de bonne vie et mœurs et de capacité requise pour establir aux Cures…" " Tout blasphème ou injure contre l’Eglise est puni d’une amende de 30 kg de tabac, 50 kg en cas de récidive puis la langue percée la 3ème fois "… " Les juifs n’ont plus le droit d’observer le sabbat "
A Mariegalande, le bourg prend forme avec la maison du Gouverneur, l’habitation des Carmes, le Fort et ses soldats. Les artisans se regroupent près du port et des " magasins de la Compagnie ", où arrivent les cargaisons.
Les Carmes sont toujours en expansion : le nouveau Révérend Carme Ignasse de l’Assomption s’engage à acheter à Pierre Rioud un terrain au quartier de la Savane de 100 pas de large sur 1.000 de haut pour 22.000 livres de sucre… La sucrerie des Carmes au quartier de la Savane démarre, y seront recensés l’année suivante un commandeur, un chirurgien, 4 serviteurs blancs et 10 esclaves…
En revanche, ils n’avaient pas fait enregistrer leur donation de fondation en 1660, et la Compagnie, nouvelle propriétaire de l’île, veut s’approprier leur habitation initiale, il écrit à son Supérieur : " Comme le vaisseau porteur de la presante doit aborder a Nantes je vous envois une copie de nostre contract de fondation de Mariegalande et des oppositions que nous a signifié Mr le Marquis de Temericourt, gouverneur de cette isle-la, afin de les envoyer au Rd Pere procureur sindic de Paris pour nous obtenir des lettres d'evocation au grand conseil, je vous prie de faire consulter nostre affaire par quelque docte advocat et de nous mander ses sentimens. Ce que je trouve de mauvais dans le proces c'est que nos peres n'ont pas faict ratifier le contract par madame de Champigny mere de monsieur le marquis de Temericourt. Il est bien difficile de le faire a present ratifier d'autant que la ditte dame a vandu depuis un an l'isle de Marigalande a messieurs de la Compagnie, depuis je trouve aussy de la collusion en l'opposition qui nous a esté signifiée, nous ayant esté faicte apres que la terre est vandue et il y a encore sept ans d'intervalle entre l'opposition et signification, comme je n'entand pas les procez et les affaires je suis bien aised'evoquer au grand conseil afin que nos peres qui sont verséz en ces matieres puissent conduire le tout avec prudence et conseil. Si tost que j'auray receu les lettres d'evocation, j'envoyray en France du sucre pour fournir aux fraiz du procez"… Il leur faudra 5 ans de débats juridiques pour avoir raison…
1666 : A son arrivée comme lieutenant général des Antisles, Joseph-Antoine Le Febvre de La Barre écrit : « Le spirituel des Isles est administré pour la plupart par réguliers qui y vivent exemplairement. Il y a néanmoins quelques paroisses qui sont desservies par des prestres séculiers. Les Jésuites et les Jacobins réformés ont deux establissements à la Martinique. Les premiers y ont d’ordinaire quatre prestres et les derniers deux : les autres paroisses de cette isle sont desservies par des prestres séculiers. Les mesmes Jésuites et Jacobins ont chacun un establissement considérable à la Guadeloupe, ainsi que les Carmes mitigés, et chacun d’eux dessert son église paroissiale. Il y a outre cela deux ou trois paroisses desservies par des séculiers. Les mesmes Jésuites, Jacobins et Carmes administrent le spirituel de l’Isle de Saint Christophle avec un prestre séculier qui y dessert une cure fondée ? Celui de Sainte Croix est aux mains des Pères Jacobins ; celui de Mariegalande en celles des Pères Carmes et celui de la Grenade par deux Pères Capucins »
1667 :Publication de l " Histoire Générale des Ant-Isles habitées par les François " par le R.P. Dominicain Du Tertre en 2 puis 3 volumes successifs jusqu’en 1671 :
En sus de ses multiples apports, il remet en cause la bulle papale de 1493 : " Les Roys d’Espagne en vertu de cette donnation pretendirent en estre les seuls possesseurs legitimes ; & sous ce pretexte traitterent comme des Corsaires tous ceux qui furent trouvez entre les deux Tropiques. Mais ny la concession du souverain Poncife, ny la cruauté barbare des Espagnols, ne purent empescher les Estrangers de faire voile en l’Amerique, pour tascher de s’y enrichir " Sur la pratique religieuse des habitants, il écrit : "Les travaux et les soins des religieux missionnaires à bien instruire le peuple et particulièrement les enfans les ont rendus exacts au service de Dieu : il y a beaucoup de piété et l’on voit avec édification quantité de familles et les meilleures des Isles faire les prières ensemble tous les soirs au son d’une cloche qui appelle tous les domestiques"… Sur l’évangélisation des esclaves : "Ceux qui sont pris sur les Espagnols ou sur les Portugais sont ordinairement chrestiens quand ils nous sont vendus : car ils ne font point de difficulté de les baptiser sitost qu’ils les ont achetez en Afrique dans l’espérance de les instruire quand ils seront chez eux. Mais ces cortes de baptisez n’en sont pas plus scavans dans nos mystères et ne nous donnent pas moins de peine à instruire que ceux qui ne l’ont pas esté "…
En Guadeloupe, les Carmes sont 4 à Basse-Terre : les R.P. Barthélemy de la Passion et Aubin de Sainte-Barbe, les Frères Apollinaire et Florentin.
A Marigalande, les Carmes poursuivent leur expansion, avec le 17 août, l’achat par le R.P. Ferdinand de 3 terrains supplémentaires au quartier de la Savane devant Jean Baptiste Parise, notaire à la Gardeloupe : - l’habitation de Robert Jeulin de 50 pas par 1.000 pour 12.500 livres de sucre - l’habitation de Jacques Le Tellier de 37 pas et demi sur 1.000 pour 6.000 livres - l’habitation d’Anthoine Bidault de 37 pas et demi sur 1.000 pour le même montant.
Ainsi, l’ensemble de terres acquises depuis la " fondation " de 1660 occupe près de 180 hectares…
En parallèle, ils font une " Augmentation de naigres " le 3 mai en achetant à " Mr Girardain 4 nègres, à scavoir Jean et sa femme, Mengel et Pettre, pour la quantité de 18000 de sucre " devant Legris, notaire en Gardeloupe, puis bientôt 3 négresses supplémentaires pour 6.000 livres de sucre et 2 nègres supplémentaires pour aussi 6.000, ce qui nous donne un montant de 3.000 par homme et 2.000 par femme…
1668 : Le Frère Carme Ferdinand a rédigé le 13 janvier : " Acquisition et augmentation faites en nostre maison de Marie Galante par moi Ferdinand de St Claude, Supérieur de la dite maison..." , documents déja vus pour les acquisitions de Carmes depuis 1661. Il fournit de plus une comptabilité un " Estat de ce qui mes deubt " qui recense les créances des autres habitants, elles se montent à 42.427 livres de sucre réparties sur 11 habitants dont De Surmont. Un " Estat de ce doibt la Maison de Marie Galande " expose les dettes des Carmes, qui se montent à 30.088 livres de sucre envers 16 habitants, marins (dont le maître de barque du gouverneur) et autres religieux… Enfin 11.736 livres de sucre de " Provisions que j’ai faites à la Gardeloupe non payée et non consommée ", soit un équilibre des comptes quasi parfait…
Il fait aussi l" Invantere des bestiaux et autre chose principalle de nostre Maison de Marie galande" :
Après l'inventaire des animaux, il recense : " Premierement : - 1 moulin parfaict - une sucrerie monsté de 4 chaudière avec refredissoir quillière et escumoire - plus un autre équipage de 4 chaudière avec refredissoir quillière et escumoire - 1 chaudière a eau de vie avec un chapitteau - 1 poelle a faire de la farine, 2 platine a faire de la cassave, une douzene de grages Ustencille de l'offisse : - 6 à 8 plats en granit, 6 à 8 assiette - 1 douzenne de quilliere d'estain, 6 chaudieres (casseroles), 1 gris? - 5 grand fusils et 2 mousquetons " La page suivante s'intéresse aux " Batiment et Meubles " puis aux " Cordages " :
" Premierement : - 1 case de cherpante couverte d'essentes de 30 pieds de long avec 3 chambres - 1 cuisine batie de pierre - 1 magazin au bout d'autre appartenance ? Meubles : - 1 grand coffre de bois de ? - 1 autre moindre d'acaiou - 1 autre plus petit - 1 coffre de medicament - 1 douzenne et demi de serviette tant bonne que meszante ! - 1 nappe et 6 serviettes de lin - 1 nappe plus 10 linceux - 2 matelas, 2 pailliasse - 1 petite tasse d'argent, une d'estain plus une - 1 grande cave de 15 flacons garnie, plus 2 autre cave de 12 flacons garnie, plus 1 plus petite de 6 flacons garnie - 1 hamac double " Les cordages retrouvent 3 tailles de cordages, des lignes de pêche, un "roulleau de plomb en plaque pesant environ 500 livres", 12 " quanots pour la vinaigrerie (distillerie) que pour recepvoir de l'eau pour l'usage de la maison " On entrevoit mieux leur mode de vie...
Le 19 janvier, le Frère Hyacinthe de la Ste Trinité, Vicaire provincial des Carmes de l'Amérique, fait sa 1ère visite aux Carmes de Mariegalante. Avec le Frère Ferdinand de St Claude, ils nous fournissent une " Estimation faite seullement des choses principales de la ditte Maison " :
On voit que l'ensemble des habitations est estimé 63.350 livres, les naigres 32.000 livres, les chevaux, boeufs, vaches 55.000, le moulin à sucre (à bêtes) 10.000, les 2 batteries de chaudières et l'alambic 25.000 : l'ensemble de leurs biens est estimé 185.500 livres.
Le 25 juin, le R.P. Ferdinand écrit au Supérieur des Carmes de Touraine : " J'avois quelque peu de feilles de caret (carapaces de tortues) que je devois emporter avec moy pour en faire quelques presants ou vous auriez eu la meilleure part mais mon voiage estant manqué et ne pouvant en estre moy-mesme le porteur, ayant trouvé l'occasion par ce petit navire de messieur Marion de Nantes, je vous l'ay voulu adresser pour en disposer comme bon vous semblera. Je l'ai mis dans un petit cart il peut y en avoir aprochant de vingt livres seulement. Je vous prie d'avoir la bonté de nous envoier quelques supplements et processionneaux, un ensansoir et une croix de cuivre avec un benistier quelques beaux noels. Je prie encore vostre Reverance de vouloir nous adresser quelque honneste marchand a qui nous puissions seurement adresser quelques marchandizes pour avoir nos commoditez. Maintenant nous avons Dieu mercy honnestement de quoy pour estre bien autant que le pais le peut permettre, et suis sur le point de faire bastir une belle eglize a la grande ance de Mariegalande et pour cet effect j'auray bien bessoin de vostre asistance pour procurer quelques charitez en Frence des gens de bien. J'esperois que mon voyage m'auroit beaucoup servi et principalement pour amener des ouvriers comme charpantiers, menuisiers, tailleurs de pierres, un bon serrurier et un bon sirurgien, et je supplie tres fort vostre Reverance que si par son moyen il s'en rencontroit, de me les adresser et mesme de faire le marché pour un an ou pour deux et suivant qu'ils seront habilles passer marché avec eux que je tienderay pour trois mille de sucre asseuré en France s'ils sont bons ouvriers. Je prie encore vostre reverance d'avoir la bonté de faire tenir les lettres que je luy envois a leur adresse et presantement que nous avons plus de liberté et d'occasions, je vous recriray plus souvent et envoiray de quoy satisfaire a ce que je vous demanderay. A Dieu, je salue avec vostre permission les religieux qui sont de nostre connoissance, me recommandant a leurs bonnes prieres et aux vostres, et suis de tout mon cœur "
Le 12 novembre, tremblement de terre : 2 des 12 sucreries sont détruites à Marie-Galante. Le R.P. Ferdinand, voyant la supériorité des bâtiments en bois lors du séisme, demande à son supérieur en Touraine : " ll ne nous fait aucun tordt par la grace de Dieu que la peur, nostre couvent estant basti de charpante n'a eu aucun mal ce qui obligera maintenant ces habitants des isles a ne point bastir autrement. C'est pourquoy s'il ce trouvoit quelque bon charpantier qui voulust venir ycy pour travailler pour nous, je luy donnerois bon gage jusques a cent escus et quatre cent franc par année car j'ay encore dessein de faire bastir un beau couvent sur nostre habitation de la grande ance qui sera s'il plaist ‚ Dieu un jour nostre principale maison dans ceste isle ; un bon menuisier et taillandier ou marechal me seroit fort necessaire je leur donnerois bons gages et s'il s'en trouvoit je prirois vre Rce de les envoier et passer marché avec eux pardevant notaire " " Nous vous demandons pour nos estrennes des grennes potageres de touttes sortes car elles viennent fort bien dans nostre isle et les pois ausy de touttes sortes "
Le R.P. Hyacinthe de la Sainte Trinité, vicaire provincial résidant à St Christophe, écrit au Supérieur de Touraine : " Comme le vaisseau porteur de la presante doit aborder a Nantes je vous envois une copie de nostre contract de fondation de Mariegalande et des oppositions que nous a signifié Mr le Marquis de Temericourt, gouverneur de cette isle-la, afin de les envoyer au Rd pere procureur sindic de Paris pour nous obtenir des lettres d'evocation au grand conseil, je vous prie de faire consulter nostre affaire par quelque docte advocat et de nous mander ses sentimens. Ce que je trouve de mauvais dans le proces c'est que nos peres n'ont pas faict ratifier le contract par madame de Champigny mere de monsieur le marquis de Temericourt. Il est bien difficile de le faire a present ratifier d'autant que la ditte dame a vandu depuis un an l'isle de Marigalande a messieurs de la compagnie, depuis je trouve aussy de la collusion en l'opposition qui nous a esté signifiée, nous ayant esté faicte apres que la terre est vandue et il y a encore sept ans d'intervalle entre l'opposition et signification, comme je n'entand pas les procez et les affaires je suis bien aise d'evoquer au grand conseil afin que nos peres qui sont verséz en ces matieres puissent conduire le tout avec prudence et conseil. "
En Guadeloupe, décès du R.P. Carme Thomas du St Sacrement après 8 ans de mission.
1669 : A Marigalande, l’habitation-sucrerie des Pères Carmes cultive 35 carrés tout près du bourg, avec un atelier de 35 esclaves : elle avait coûté un peu moins de 200.000 livres de sucre pour les terres, les bâtiments, les esclaves et le bétail, elle produit en moyenne 50.000 livres de sucre par an.
Le R.P. Ferdinand est toujours le supérieur Carme de l’île, mais malade, le R.P. Hyacinthe de la Sainte Trinité écrit sur lui depuis St Christophe : " Je porte aussy grande compassion au Pere Ferdinand, il n y a que luy seul de prestre en l’isle de Marigalande ou j’apprind qu’il y a la beaucoup de malades ; je apprins depuis six semaines qu’il ne s’y portoit pas trop bien et il y a plus de deux mois que je ne receu de ses nouvelles, je crains qu’il n’y soit fort malade "
Le gouverneur Auger se plaint que les Pères Carmes aient refuser de participer aux travaux de défense et fortification "ayant une habitation considérable":
Le R.P. Hyacinthe de la Sainte Trinité, toujours vicaire provincial résidant à St Christophe, écrit au R.P. Marc en Touraine quant à certains religieux qui arrivent " pour secouer le joug de l’obeissance et fuir le fardeau de la regularité ainsy que plusieurs y sont venus cy-devant, car d’envoyer icy des religieux desobeissants, libertins et scandaleux c’est tout perdre "…
J. Ch. de Baas Castelmore, gouverneur général des Isles d'Amérique, prend une ordonnance le 1er août contre les protestants et les juifs : " ...Nous avons fait et faisons très-expresses défenses à tous Capitaines de Vaisseaux faisant profession de la Religion Prétendue Réformée, de chanter publiquement des Pseaumes, de faire des Mariages ni aucun autre exercice de leur Religion dans aucunes des Rades des Isles Françoises, sous telles peines que nous aviserons, sauf à faire leurs Prieres en particulier et à voix basse, suivant les Ordonnances du Roi , et d'en user aussi dans leur traversée, comme on fait dans les Vaisseaux de Sa Majesté; ordonnons à tous ceux qui font profession de ladite Religion dans lesdites Isles d'en user de même , et de ne se servir que de Commandeurs Catholiques, et lorsqu'ils n'en auront point pour prendre soin d'instruire leurs Negres, et de les faire prier Dieu soir et matin, de les envoyer tous les Dimanches et Fêtes à la Messe, aux Catéchismes, et aux autres exercices de piété, pour tenir la main à ce qu'ils fassent leurs Pâques, et pour avertir de bonne heure les Curés, afin qu'ils puissent administrer à temps les Sacremens, de prendre ce soin eux-mêmes à peine de mille livres de Sucre d'amende toutes les fois qu'ils y manqueront" " Défendons à tous les Juifs qui sont dans les Isles Françoises de faire le Samedi aucune cérémonie de leur Foi , d'obliger leurs Negres et Engagés à garder le Sabath, de travailler le Dimanche ni se montrer en public depuis le Jeudi-Saint jusqu'au Dimanche de Pâques, à peine d'être punis exemplairement "
Le nouvel intendant général des Isles Jean-Baptiste Patoulet reçoit du Roy des recommandations écrites quant au spirituel avant son arrivée : " Sa Majesté veut qu’il examine et observe ponctuellement tout ce qui se pratique pour le spirituel dans toute l’étendue des Isles, qu’il donne avis en fasse une relation exacte tous les ans afin que Sa Majesté puisse pourvoir aux besoins de cet ordre et puisse aussi tenir la main à ce que ses sujets soient assistés de tout ce qui concerne leur Salut. Sur quoi, après avoir examiné avec grand soin tous les prestres séculiers et réguliers qui desservent les cures, il donnera avis à Sa Majesté de leur noms et conduite, et examinera en mesme temps le revenu dont on peut faire estat pour chaque cure, soit par le moyen de dimes qui pourraient y être establies, soit par le moyen de terres qui ont esté données aux églises. Sur quoi il doit estre informé si le nombre des habitans et des habitations des dites isles est assez considérable pour y establir un évesché. Sur le rapport qu’il en fera à Sa Majesté, elle fera des instances à Rome en son nom pour faire cet establissement »
Le R.P. Du Tertre écrit : "Dieu y a donné une grande bénédiction au zèle et au travail des Missionnaires, qu’il s’y rencontre présentement autant de vertu et de piété à proportion, que dans la France : car les Sacrements y sont fréquentés, et l’on y assiste aux Offices divins, avec une assiduité qui témoigne assez le zèle et la dévotion des habitants, et parce qu’une bonne partie des habitations est éloignée d’une, et quelquefois de deux lieues ; le Maître de la Case vient ordinairement à la première Messe, avec les principaux Domestiques, et retourne promptement, la Messe étant achevée, pour donner moyen à la Maîtresse de venir à la grande Messe, avec le reste de la famille ; ou bien ils se divisent selon les besoins du ménage, en sorte que tout le monde vient à la Messe. Mais parce qu’ilse rencontre des habitations si éloignées des Eglises, qu’il faut faire quelquefois trois ou quatre lieues par mer avec danger de se noyer, pour venir à la Messe : ceux-ci n’y vont pas régulièrement toutes les Fêtes et Dimanches, et ce serait trop exiger d’eux, que de les y vouloir contraindre, bien qu’il y en ait toujours quelques-uns de la Case qui n’y manquent point"
1670 : Le conflit entre le gouverneur De Téméricourt et le sieur de Surmond a nécessité l’intervention des Carmes, le gouverneur écrit : " Depuis le temps le Sr Surmond sestant repenty de son procédé a emploié le R.P. Ferdinand Carme pour me dispozer a oublier le passé. J’ay condescendu volontiers aux prières du dit Père par la cognoissance que jay en ce que l’Isle perdroit cet habitant, qui est capable de travailler utilement à son augmentation "...
1671 : Le village Caraïbes, appelés " bons hostes " figurent sur la carte commandée par De Téméricourt, avec apparemment 7 carbets vers l’Anse du Coq, appelée alors Anse du Diable. Si nous ne sommes plus en guerre avec eux, ils continuent de subir notre " choc microbien " avec une épidémie de " verette " ou " petite vérole ", c’est-à-dire la variole qui a été ramenée aux Amériques par les Espagnols, les Croisés l’ayant eu mêmes ramenée du Moyen-Orient… Le R.P. Carme Ferdinand écrit : " les Sauvages ont estez grandement affligez a la Dominique ou tous les jeunnes sont presque morts et beaucoup des vieux ". A Marie Galante, il sera obligé d’isoler une famille de Caraïbes : " Il n y a eu que moy a les gouverner pandant leur maladie dans un bois ou je les avois fait retirer de peur qu’ils n’eussent communiqué leur mal a nos negres et aux Francois de nostre caze, Dieu nous en a encore preservé jusque a presant " Les Carmes sont maintenant 3, le supérieur Ferdinand de Saint Claude est remplacé par le R.P. Léonard de St Jean Baptiste, mais sa hiérarchie se pose déjà des questions : " Je crains bien que le R Pere Leonard ne soutienne pas a Marie-Galande la bonne opinion que le pere Ferdinant y a laissé de vostre ordre, je n’ay pas l’honneur de le cognoistre particulierement, ce que je vous en puics dire est qu’il s’en fault beaucoup qu’il n’ait l’approbation generalle ny celle des honnestes gens "…
Nouvel " Estat et invantaire des habitations et autres choses que nous avons dans cette Isle de Mariegalande ", remarquablement complet :
La grande habitation du couvent, au quartier de la Savane, dispose de " 305 pieds de large sur 1.000 de long ", dont la "moitié d'habituée (défrichée) et plantée en canne a sucre et maignoc ". Elle possède une "sucrerie et purgerie toutte ensemble faite de massonnerie de 52 pieds de long sur 20 pieds de large couverte d'essentes" , elle dispose d’un moulin à sucre (à chevaux) avec "charpente couverte en partie d'essentes" . Les "Ustencilles de la dite sucrerie" sont : " 4 chaudières à sucre montée, 2 canots de bois l'un pour servir de refredissoir, l'autre de bassin", " 6 cuiller a sucre tant bonnes que mauvaises" et 10 écumoires ; Sa vinaigrerie dispose d’une chaudière à eau de vie avec un chapiteau et sa couleuvre (serpentin) et de 3 canots. Ces équipements se sont modernisés et sont du type " brésilien ".
Cette huile sur toile de Frans Post d'une habitation sucrerie au Brésil, vers 1660, permet d'imaginer peut-être celle des Carmes, mis à part le moulin ici à eau et non à bêtes...
Suit la liste des animaux, avec un beau cheptel : - 10 chevaux et cavalles (juments) dont 7 "tirant au moulin" pour le sucre. - 21 boeufs, taureaux, vaches et génisses dont 6 "tirant au cabrouet", qui devait servir à se déplacer vers le bourg ou l’embarcadère pour transporter les boucauts de sucre, probablement aussi au transport des cannes vers le moulin. - 15 moutons et brebis - 10 cabrittes (chèvres) - 2 cochons et 2 coches (truies)
Viennent ensuite les " Naigres de la dite Habitation" : 33 esclaves pour cette habitation, 11 hommes dont 7 avec leur femme et 5 couples avec 1 à 3 jeunes enfants, au total 15 enfants. Parmi les hommes, 2 esclaves "à talent" : Nicolas qui est "machoquet" ou taillandier, sorte de serrurier chargé de l’entretien des machettes, houes, haches et pioches et Jouan qui est sucrier et occupe de ce fait avec sa femme Lucresse une position importante. Parmi les enfants, 6 ont entre 8 et 12 ans et sont chargés de petits travaux sous la surveillance d’une matrone.
La 2ème " Habitation où est basti le Couvent ": NB : selon le R.P. Barbotin, elle aurait été implantée sur le site de la future habitation Maréchal, actuellement distillerie Poisson ?
Attention, le Sud est à l'Est, le fort correspond à Grand Bourg...
" La dite habitation doit etre d'environ 400 pieds en carré, qui est presque toute habituée et plantées en cannes a sucre, patates et cotonniers, le reste en savanne" "Les bastiments qui sont sur la dite habitation : - un pavillon d'environ 20 pieds en carré à 2 étages le tout en charpente, dont le 1er étage fait une halle ou réfectoire, avec une depente ou magazin, au 2ème étage 3 chambres pour les religieux avec une belle galerie et au 3ème galetas (grenier). Au dessus du dit pavillon, il ya un petit dome où il y a une cloche. - une cuisine de massonerie avec un petit magazin au bout - une caze de 30 pieds de long palissadez de planches couverte d'essentes, qui sert au chirurgien, avec un magazin au bout - deux autres cazes qui servent pour loger les françois serviteurs et ouvriers - une forge de maréchal (ferrant) de charpente palissadée de planches et à moitié couverte d'essentes - une petite chapelle de 16 pieds en carré de charpente couverte d'essentes " Nos Carmes ont encore des projets d'agrandissement : "Desseins des bastiments commandés : - une cisterne auprès du pavillon - une autre cisterne auprès de la sucrerie - un puy dans la savanne de la sucrerie - une vinaigrerie (distillerie) de 24 pieds de long au dessous de la sucrerie où sont les pierres d'attente que doit faire le nommé Jacques Louis, tailleur de pierre...payé d'avance" " Ustancilles de la cuisine : - une cramaillère - 4 chaudières (casseroles) de fer de différente grandeur - 3 chaudières de cuivre - 1 poille à frire - 1 poillon à queu - 1 poille à faire la farine de maignoc - 1 cuiller à pot de cuivre - 2 friquets (écumoire) de cuivre - 1 broche et 2 landiers (chenets porte-broche) de fer - 1 gril - 1 mortier de fonte avec son pillon" " Ustancilles d'esteim : - 8 plats de differante grandeur - 1 plat bassin à potage - 13 assiettes dont 6 d'esteim fin - 1 escuelle, 1 pot et 1 rape à muscade" " Vessailles de feuillance : - 2 plats et 13 assiettes telles quelles - 1 saliere - 1 petite canne à boire - 2 pots à boire - 1 paire d'armoires telle quelle - 1 garde manger " " Ustancilles de la depanse" ? : - 3 caves de 12 grand flacons - 1 autre cave de 14 grand flacons - 7 grandes cannes de terre et 4 pots - 7 jarres de terre dont 2 pleines d'uille d'olif"... " Argenterie de la ditte maison : - 8 cuillers, 8 fourchettes - 1 tase à boire en argent " Pour les accessoires et outils : - " 4 chandeliers de cuivre pour la table et 1 autre chandelier de cuivre a branches - 15 livres de cire tant blanche que en cierges - 3 livres de bougie blanche - 10 livres de chandelle de suif - 12 pots d'uille à bruler - 19 serpes - 12 houes - 1 scie de travers - 6 fusils tant bons que mauvais - 80 livres de gros plombs" " Meubles : - 4 couches montées avec 3 paillasses, 1 matelas de leinne, 2 matelas de bourre - 4 tables de différente grandeur - 2 cheze à dos (chaises à dossier), 2 chezes à bras (fauteuils), 8 escabeaux (tabourets) - 1 grand coffre de ? - 1 bahu couvert de cuir de moyenne grandeur - 1 petite cassette d'acaiou - 1 hamac qui sert de couverture de lit - 1 hamac double un peu vieil - 1 hamac double tout neuf - 2 celles de cheval neuves avec leur harnois - 2 autres celles de cheval - 8 grandes pieces de ligne à parer (couture du cuir) - 3 autres pieces a rabanner des lits de coton - 1 cabrouet monté - 1 paire de roues neuve ferrée - 3 paires de roues neuves point ferrée - 2 paires de petites roues de charrette - 4 colliers à cheval - 4 paires de bricolles (attelage de traction pour le moulin) tant bonnes que mauvaises" " Instruments de la forge : - 1 souflet presque neuf - 1 gros esthau - 1 bigorgne (enclume à 2 pointes) - 1 tasseau - 1 paire de tenailles a vice (petit étau) - 1 clouière a faire des clous de cabrouet - 1 marteau à frapper devant (lourd marteau de forge à long manche) - 4 marteaux a main - 2 marteaux a river - 6 paires de tenailles - 3 rateaux a haller le charbon - 2 picois (poinçon à frapper)" " Invantaire des ustancilles de chirurgie : - 1 seringue - 1 chapelle a distiler les eaux - 3 poilettes - 1 bassin a faire le poil - 1 poillon a queue - 1 pelican (arrache-dent) - 1 bec de corbin (pince courbe) - 1 cautere - 1 mortier de fonte avec son pilon " Linges de table et autre : - 9 vieux linceux (draps de lit) - 5 de toille neufve - 4 fouilles d'oreiller (taies) - 6 nappes finnées - 2 douzainnes de serviettes finnes - 2 autres douzainnes de serviettes tant bonnes que mauvaises - 4 nappes" " Les Ornements de la petite Chapelle : - 1 Croix de cuivre - 1 Bénitier de cuivre - 1 nappe d'Autel - 1 devant d'Autel - 4 chasubles - 4 voiles - 1 bourse, 1 corporal, 1 pale et 1 purificatoire (linges d'autel) - 2 aubes - 1 calice d'esteim - 1 soleil de cuivre avec une custode (boîte où on enferme l'ostie) aussi de cuivre - 2 ... pour mettre le vin et l'eau - 1 piece d'ettoffe d'environ 4 aulnes (1 aulne = 4 pieds) pour faire un devant d'Autel - 1 piece de guippure (dentelle) pour garnir de devant d'Autel" "Inventaire des livres de cette Maison" : nos Carmes possédent 49 livres, en plus des 2 bibles en latin et de 37 livres religieux, ils ont un petit dictionaire françois, 1 dictionaire caraibe (nécessairement du R.P. Breton, édité 6 ans avant), une histoire de France en 3 tomes, un guide des pêcheurs et un livre sur Ambroise Paré, père de la chirurgie...
Depuis leurs débuts il y a 11 ans, nos Carmes se sont grandement développé et vivent dans un certain confort pour l'époque...
1672 : Nos Carmes fournissent le 25 mai le bilan financier entre les "debtes", 51.003, et les credits 58.442
De plus, ils possédent 2 habitations voisines qui ne sont pas exploitées par eux, mais louées par contrat devant notaire : - l’une affermée à Pierre Ribel comprenant un moulin à sucre, 3 chaudières à sucre, 1 chaudière à eau de vie, fournie avec 10 nègres, 4 boeufs, 2 chevaux et 2 cavalles, louée pour 18.000 livres de sucre par an - l’autre fournie à René Vavon, ancien domestique "fidelle et fiable" avec "6 nègres travaillants et 2 petits", " a condition que le dit Vavon relivera le tiers du provenu de la ditte habitation"
Le R.P. Raphael de Saint Agnès, vicaire provincial des Isles de l'Amérique, contrôle les comptes lors de sa visite à Marie galande le 22 juin : 25 habitants ont des dettes vis-à-vis des Carmes, dont le sieur Dauville " qui doit rendre une chaudière à eau de vie ou bien la payer en sucre 400 " Les Carmes de leur côté doivent de l’argent à 12 habitants, dont au major La Garanne, au capitaine La Motte et au sieur Ricord " 200 livres sur quoi il faut rabattre 70 pour un cent de clous et une paire de souliers " " Martin Plaux commandeur de notre maison a reçu sur ses gages la quantité de 727 livres de sucre. Son année a commencé du premier jour de décembre 1670 dont il doit gagner 2 000 de sucre et un habit et deux paires de souliers et il a reçu l’habit et les deux paires de souliers " " Pour le regard de l’habitation de l’Acajou affermée au sieur Pierre Ribel dont l’année est échue au mois de mars passé, je confesse avoir reçu sur la dite année passée la quantité de 8 160 livres de sucre dont j’ai donné acquit au dit Ribel, d’où il appert qu’il reste à payer pour la dite année passée la quantité de 9 840 livres de sucre " " Pour le regard de la petite habitation qui nous a été donnée par Monsieur de Surmont dont je lui ai donné une idamnité nous étant obligés de le décharger envers ceux de qui il l’a achetée de la quantité de 6 500 livres de sucre, dont nous sommes obligés de donner au dit vendeur du sucre pour payer un nègre quand il en viendra et le restant huit mois après comme il est porté dans le contrat et il faut retirer l’idamnité du dit Sr de Surmont à la fin du dit paiement " " L’église nous doit encore un grand missel 500 plus un missel et deux rituels 500"…
Le R.P. Carme Léonard de Saint Jean-Baptiste conclut dans un rapport que sur le plan financier les habitations sucreries pouvaient rapporter à l’ordre au moins 6000 livres de sucre, autrement dit beaucoup plus de profit que ce qu’elles faisaient alors. Pour justifier son propos, il souligne que les colons n’ayant pas plus de bien que le Carmel " vivent fort aysémant eux, leurs fames, leurs enfants, et leurs valets, les tenant habilles ; et foncent aux depances que font leurs fils, dans les meilleures villes de France, ou il les envoye bien souvant, pour estre instruicts. Leurs fames, leurs filles et eux estant pour la plus part du tamps en veste de soye et de fin lin ; encore espargnent-ils par la suitte d'années, de quoy les marier, selon la calité qu'ils tiennent, non obstant plusieurs autres depances qu'ils sont obligés de fere très souvant et que la bien seance nous interdiroit, quand mesme nous aurions la volonté de les fere. Cecy est si clair, qu'il n'y a personne quy ait faict voyage en ces cartiers, qui le puisse ygnorer "… Le R.P. Carme, ayant conscience que de tels propos pouvaient le faire passer pour quelqu’un d'intéressé et allant de surcroît à l’encontre de son voeu de pauvreté, rajoute : " Je n'antans pas par ce que j'ay dit que le religieux qui auroit cette commission agist comme fermier ou locataire, en sorte qu'après avoir fourni les sommes que je marque, il eust droit de jouyr ou de s'aproprier (Dieu m’en garde). Je scay trop bien à quoy nous obligent nos voeux et l'observance de nostre resforme mais je parle comme un prieur dans nostre province qui auroit soubs soy six religieux, et sept cent excuz de revenu et qui par la bonne oeconomie, le zelle et diligence de ces religieux, il en espargnoit par an sept, ou huict, ou neuf cent "…
1673 :Nouveau décès en Guadeloupe, le R.P. Carme Aubin de Sainte-Barbe.
Les Carmes des Antilles sont en difficulté numérique et financière, le père supérieur des Carmes de Touraine, Marc de la Nativité de la Vierge, écrit au responsable de la Propaganda fidei à Rome, afin qu’il " daigne demander des lettres à la Sainte Congrégation de la Propagande de la foi pour les religieux de la province de Touraine dans l’isle de Marie-Galante en Amérique méridionale et aux îles adjacentes et aussi en terre barbare du continent ". Sa lettre restera sans réponse…
A l'occasion du mariage de la fille de Robin Ruaux, commandeur de l'habitation des Carmes, avec Charles Vallois, économe de la Maison du Marquis de Téméricourt, le R.P. Léonard doit certifier les notaires : " Nous, Léonard, Religieux Carme de la province de Touraine, supérieur du couvent du même ordre & pasteur de l’église de Marie Galante en l’Amérique, certifions & attestons les sieurs Frambourg et Gouverne être vraiment notaires jurés et d’autant qu’il n’y en a eu point davantage en toute cette dite île, déclarons que pleine et entière foi doit être donnée à toute la teneur de leurs actes et rapports ci-dessus mentionnés de la vérité desquels nous avons bonne connaissance. En foi de quoi nous avons signé ces présentes en la dite île Marie-Galante dans notre couvent y situé, le huitième jour de novembre "
1676 : Le R.P. Carme Léonard entre en conflit avec le gouverneur. On en arrive à l’excommunication et le Père refuse de célébrer aucun office où se présenterait M. de Téméricourt. Le peuple se rassemble dans une chambre du couvent, car il n’y a pas d’autre église...
Le dernier jour de mai, attaque des Hollandais commandés par Jacob Binckes avec 10 navires et 1.350 hommes, utilisant le prétexte de la Guerre de Hollande. Selon le témoignage ultérieur du gouverneur De Téméricourt, absent lors de l’attaque : les Hollandois ont enlevé " presque tous les esclaves, grand nombre de bestiaux, les chaudieres à sucre, serrures de moulin, ustancilles, meubles, hardes et linge ; en sorte qu'il ne se voit resté auxdits religieux en jcelle, nonplus qu'ausdits habitants que les terres seules et hors d'estat de sauver les cannes a sucre et vivres qui estoient dessus "
1677 : Le R.P. Carme Ferdinand de St Claude, qui a été le supérieur de Mariegalande de 1661 à 1671, décède en Guadeloupe. Le vicaire provincial des Carmes, Hyacinthe de la Sainte Trinité, décède à St Christophe.
1678 : Le R.P. Carme Léonard de Saint Jean-Baptiste décède en Guadeloupe.
1679 : L’intendant Patoulet vient de payer les pensions des Jésuites de la Martinique et il écrit : " Voilà ce qui a esté payé aux dits eclésiastiques, mais comme depuis j’ai examiné leurs traités, j’ai remarqué qu’on les avait passé trop en faveur des Jésuites. C’est pourquoi j’ai dressé un nouvel estat juste de la quantité de sucre qu’il convient raisonnablement de donner à chaque eclésiastique pour desservir une cure "… Il fixe désormais à 12.000 livres de sucre la pension des missionnaires, qu’ils soient réguliers ou séculiers… Un " Mémoire touchant les Huguenots et les Juifs de l’Amérique " est fourni par les Jésuites au Roy. Les solutions pour lutter contre eux restent prudentes dans les isles : Pour les protestants, les obliger à se marier devant le curé " car cette dépendance les approchera toujours de la religion catholique et donnera aux missionnaires moyen de leur inspirer les sentiments " et " qu’ils ne fassent aucune assemblée pour leurs prières mais selon les ordonnances ils le fassent en particulier et à voix basse "… Pour les juifs, " au cas que Sa Majesté ne juge à propos d’obliger ceux qui y sont déjà establis dans les isles d’en sortir, il faudrait au moins empescher qu’il en vienne de nouveaux et défendre à ceux qui y sont establis de posséder des terres et d’avoir des esclaves"… 1680 : A Marie-galante, 4 ans après l’attaque des hollandais et le pillage de l’île, la situation est loin d’être revenue à la normale : manquent toujours les chaudières et le matériel des sucreries, ainsi que la main d’œuvre, la quasi-totalité des esclaves avait été emportés par les attaquants. Aucune sucrerie n’a pu donc redémarrer… Les Carmes sont en difficulté, pour relancer leur activité sucrière, ils sont obligés de vendre une partie de leurs terres au sieur Charpin pour 4.000 livres tournois.
1681 : A Marie-Galante, une seule sucrerie en activité : celle des Pères Carmes avec 17 esclaves, presque 2 fois moins qu’avant la guerre… Avec le retour de la paix, les colons reviennent et reconstruisent quelques sucreries.
Le nouvel intendant Bégon a été chargé par le Roy d’étudier la mise en place d’une dîme pour faire financer par les habitants au moins une partie des revenus des religieux, il lui répond : " Nous avons examiné avec soin la proposition qui a esté ci-devant faite à Sa Majesté d’establir des dîmes sur les fruits de la terre pour donner aux curés les moyens de subsister aux dépens des habitans auquels ils administrent les sacrements, et nous nous trouvons obligés de dire à Sa Majesté que cet establissement ne convient ni aux eclésiastiques ni aux habitans "…
1682 :Arrest du 12 septembre, qui interdit à la Compagnie des Indes Occidentales" d’envoyer aux Isles et Colonies françaises de l’Amérique et côtes d’Afrique d’autres personnes que des Français faisant profession de la religion catholique, apostolique et romaine. S. M. a été informée que ceux auxquels elle a fait des concessions, envoient des commis de la religion prétendue réformée dans les lieux de leurs concessions, auxquels ils ont donné leurs principaux emplois " 1683 :Une Ordonnance du Roy le 24 septembre expulse les juifs des Isles : " Sa Majesté a vu et examiné le mémoire présenté par les Jésuites sur ce qui regarde les juifs qui sont aux Isles d’Amérique et comme elle ne veut pas souffrir qu’aucun de ceux qui y sont présents y demeurent ni qu’il s’en establisse d’autres à l’avenir, ils trouveront ci-joint un ordre de Sa Majesté pour les faire sortir des Isles "…
Une Ordonnance du Roy du 30 septembre demande au gouverneur général de Blénac et à l'intendant général Bégon de délimiter chacune des cures des Isles, de concert avec les religieux qui les desservent, ce qui sera fait l'année suivante.
Le marquis de Seignelay, fils de Colbert et nouveau Secrétaire d’Etat à la Marine écrit au R.P. Provincial Carme de Touraine, responsable des missions aux Antilles : " Mon Reverend Père, Le Roy ayant esté informé qu'il y a trop peu de religieux de vostre ordre aux isles de l'Amérique pour faire les fonctions curialles dans les quartiers qu'ils sont obligéz de desservir : sa Majesté m'a ordonné de vous escrire qu'elle veut que vous disposiez six des religieux pour passer incessamment aux isles et que vous me fassiez scavoir le nom de ceux que vous aurez destiné pour ce voyage et le temps auquel vous les ferez partir "
Les prévisions de dépenses du Domaine sont faites pour les missionnaires, "le Roy voulant establir dans chacune des Isles Francoises de l'Amérique deux Eclesiastiques pour y faire les fonctions curialles, Il conviendra de faire la dépense qui suit, scavoir ... deux prestres a Marie Galande : 24.000 livres de sucre".
1684 : L’intendant Dumaitz de Goimpy recoit des recommandations avant d’arriver aux Isles : " La seule religion catholique, apostolique et romaine s’exerce publiquement. On tolère seulement les gens de la R.P.R. qui y sont établis et les marchands qui y viennent s’installer. Mais on ne souffre plus qu’il s’établisse de nouveaux habitans soit par achat de terres ou par de nouvelles concessions "
1685 :En mars, publication de l"Edit du Roy ou Code Noir sur les esclaves des Isles de l’Amérique" (voir l'intégralité à l'onglet Traite...)
L'Article 1 concerne les juifs, l'article 5 les protestants, les articles 2 à 4 la religion catholique, apostolique et romaine et son application dans les isles : Article 2 Tous les esclaves qui seront dans nos îles seront baptisés et instruits dans la religion catholique, apostolique et romaine. Enjoignons aux habitants qui achètent des nègres nouvellement arrivés d'en avertir dans huitaine au plus tard les gouverneur et intendant desdites îles, à peine d'amende arbitraire, lesquels donneront les ordres nécessaires pour les faire instruire et baptiser dans le temps convenable. Article 3 Interdisons tout exercice public d'autre religion que la religion catholique, apostolique et romaine. Voulons que les contrevenants soient punis comme rebelles et désobéissants à nos commandements. Article 4 Ne seront préposés aucuns commandeurs à la direction des nègres, qui ne fassent profession de la religion catholique, apostolique et romaine, à peine de confiscation desdits nègres contre les maîtres qui les auront préposés et de punition arbitraire contre les commandeurs qui auront accepté ladite direction.
Le 18 octobre, Louis XIV révoque l'Edit de Nantes :" ...nos soins ont eu la fin que nous nous sommes proposés, puisque la meilleure et la plus grande partie de nos sujets de ladite R.P.R. ("Religion Prétendument Réformée") ont embrassé la Catholique. Et d’autant qu’au moyen de l’exécution de l’édit de Nantes et de tout ce qui a été ordonné en faveur de ladite R.P.R. demeure inutile, nous avons jugé que nous ne pouvions rien faire de mieux, pour effacer entièrement la mémoire des troubles, de la confusion et des maux que le progrès de cette fausse religion a causés dans notre royaume et qui ont donné lieu audit édit et à tant d’autres édits et déclarations qui l’ont précédé ou ont été faits en conséquence, que de révoquer entièrement ledit édit de Nantes" Les protestants ou huguenots de France doivent abjurer ou s’exiler. Parmi ceux qui ont abjuré, une partie continue à pratiquer en secret : lecture de la Bible, chant des psaumes en famille et assemblées clandestines au Désert.
En Guadeloupe, par lettres patentes datées du mois d’avril, le Roy légue l’hôpital St Louis, créé à Basse-Terre par Tracy en 1664, aux Frères de Saint-Jean de Dieu ou Frères de la Charité. Ils vont le gérer jusqu'à la Révolution...
1686 : En 1686 et 1687, le pouvoir royal va se débarrasser de ceux qui refusent la conversion, en expulsant les nobles vers l'Angleterre et en déportant les autres aux Antilles. Environ 200.000 protestants ou huguenots ou religionnaires, après des années de persécutions "dragonades" et de conversions forcées, vont s'enfuir du royaume avant 1700...
Dans un rapport sur Marie Galande, l'intendant Dumaitz demande des religieux "supplémentaires pour desservir différents quartiers. On aurait besoin de trois églises, la dite île étant partagée en trois quartiers. Dans celui du Fort (Grand Bourg) il y a une église establie, dont le père dessert la dite église et est logé à l’habitation de Pierre Corsaire, le reste est en projet aux Galets et à Vieux Fort"...
Le 13 octobre, le Conseil d’Estat rend l’accord entre les Ordres religieux exécutoire avec la création des 16 premières paroisses de Martinique et Guadeloupe.
1687 : La fuite des protestants pose problème dans les îles, puisqu’ils partent généralement dans les îles anglaises ou hollandaises voisines avec leurs biens et leurs esclaves… Le ministre écrit au gouverneur général De Blénac en janvier : " Le Roy a été informé nonobstant les ordres que S.Maj. a donné pour empêcher l’évasion des religionnaires des Isles de l’Amérique, il ne laisse pas de s’en sauver des familles entières qui emportent leurs effets et amènent leurs nègres. Et S.Maj. m’ordonne de vous écrire que vous renouvelliez les ordres que vous avez donnés aux gouverneurs à cet égard et que vous leur recommandiez d’apporter toutes les précautions pour empêcher les religionnaires de s’évader et d’emporter avec eux leurs effets et d’amener leurs nègres " Le 13 avril, le gouverneur Hincelin écrit : " Mgr le comte de Blénac et M. du Maitz sont venus en cette île, et M. le comte de Blénac, le jour du mercredi saint fit entendre à tous les huguenots assemblés, la volonté du Roy sur le changement de religion qu’ils auraient à faire· Le lundi suivant, il se rembarqua pour la Martinique " " La plus grande partie et les principales familles ont été gagnées. Soit que cette facilité soit venue d’un dessein prémédité de se convertir, à quoi on les exhortait depuis longtemps, soit qu’ils soient convaincus de la nécessité de le faire. Si bien que jusqu’à présent, il n’a fallu que les y inviter pour en faire des catholiques " Un mémoire anonyme est plus réaliste : " Il se peut dire qu’il n’y a maintenant aucun huguenot dans les colonies de l’Amérique ; mais l’on peut dire aussi très véritablement, que leur nombre qui était grand, pas un, excepté une seule famille, n’est véritablement converti ; ils ne fréquentent point les églises, ils n’assistent point à la messe "…
L’émigration des protestants va se poursuivre vers les iles anglaises et hollandaises…
De Blénac écrit dans une note au Roy : " Nous croyons estre obligé d’avertir en mesme temps Sa Majesté que les supérieurs des Ordres envoyent sy souvent des relligieux dont ils sont bien aise de se défaire estant a charge dans leur couvent par la conduite qu’ils y tiennent et par un esprit dangereux dont ils empoisonnent ceux qui les veulent escouter "…
Les Carmes de Touraine envoient un commissaire pour inspecter leurs missions aux Antilles : Antoine de Sainte Anne, secondé par Cyrille de Sainte Marie-Madeleine et Zacharie de Saint Thècle. Ils débarquent à St Christophe et les premiers échanges avec le vicaire général des Iles, Julien de Saint Germain, est conflictuel… Le commissaire nomme comme responsable Boniface de Saint Georges, mais Julien de Saint Germain refuse de partir…
Ils partent ensuite en inspection sur Marie Galante, administrée par les R.P. Carmes Hilaire de la Purification, supérieur, Ambroise de Saint-Léon,Séraphin de Sainte-Marie et Raphaël de Sainte-Agnès. Ils rencontrent le Supérieur Hilaire de la Purification et constatent un détournement des gains du sucre à son profit " en nature et en effets ". De plus le nègre Romain s’est plaint au gouverneur qu’il " faisait du mal à sa fille "… Il décide de le renvoyer en France, mais Hilaire ne le reconnait pas comme son supérieur, n’obéissant qu’au vicaire général Julien, et décide de rester sur place… Il semble qu’il ait aussi contracté une maladie vénérienne…
Ils poursuivent leur inspection aux Saintes, où le père Chrisogon est accusé également de détournement et d'où il disparaitra en mars suivant …
Dans la nouvelle mission de St Domingue, le père Archange de Saint Guillaume est accusé d’ivrognerie, ils demandent son départ, le père Zacharie de Saint Thècle part le remplacer et, une fois sur place, lui permet de rester car aimé de tous les habitants… Le commissaire Antoine de Sainte Anne rentre en France avec un bilan mitigé, mais il avait pu rappeler les exigences des Carmes.
A Marie-Galante, le gouverneur Auger effectue une inspection des églises en décembre : il constate que "Notre Dame de la Conception au bourg de la Basse-Terre" a besoin de 10.000 livres de travaux et que l'église du bourg de la Capesterre demande 20.000 livres de travaux.
Le gouverneur de la Guadeloupe Hincelin a reçu comme les autres gouverneurs une demande de recensement des nouveaux convertis. Il adresse son Etat le 6 mars et en retrouve 164 sur les 3.254 habitants de la Guadeloupe, chiffre très probablement bien inférieur à la réalité, les huguenots n’ayant aucun intérêt à se déclarer… L’origine retrouve le Brésil pour certains, La Rochelle, fief huguenot est en tête des français et quelques hollandais Bolognen, Vrimouth, Meugh, Melse que nous retrouverons à Marie-Galante…
1688 : Auger a reçu 20 "religionnaires" (protestants). Les 2 églises ont été réparées.
Le R.P. Carme Antoine de Sainte Anne revient à St Christophe en décembre, non plus comme commissaire, mais comme vicaire général des Isles, en remplacement de Julien de Saint Germain décédé. Il trouve la mission dirigée par Boniface de Saint Georges dans un état épouvantable, avec encore des détournements de biens et des plaintes pour violences : Boniface " maltraitoit extremement les negres, les faisoit chatier cruellement, et pour la moindre faute les outrageoit de paroles accompagnées quelquefois de blaspheme et de ce mot infame de bougre ", il est " cruel pour les negres dont il a fait mutiler grand nombre "... " il est convaicu d’avoir débauché des négresses " Le vicaire le convoque devant les 3 Carmes Cyrille, Martial et Nicolas, refuse de valider ses comptes et demande son renvoi en France. Mais le vicaire général se trouve bientôt accusé par Hilaire et Boniface d’avoir eu des " commerces infâmes " avec des religieuses de Nantes !
1689 : A Marie-Galante, le gouverneur Auger a fait construire 2 batteries et 2 retranchements dans la crainte d’une attaque des Anglais " dans les lieux de l’Isle pour lesquels il y a le plus à craindre "…"Les habitans se sont portés avec beaucoup de zèle à tous les travaux, à l’exception des Pères Carmes qui ayant une habitation considérable ont refusé d’y contribuer, s’excusans sur les privilèges "
Les pères Carmes sont 3 pour le couvent, l’habitation et les 2 églises : les R.P. Raphaël de Sainte-Agnès, Ambroise de Saint-Léon et Séraphin de Sainte-Marie.
Le "Provincial des Carmes reformez de la province de Touraine" demande le remboursement de frais qu'il a engagé depuis 1683 pour les "Isles de St Christophe et de la Guadeloupe"...
1690 : A Marie-Galante, le 9 janvier, 3 vaisseaux Anglais commandés par le Captain Hewetson attaquent l’île : ils repartent le 13, en ayant incendié le bourg, détruit tous les moulins et 12 des 16 sucreries. Le 8 mai, le R.P. Antoine de Sainte Anne,vicaire provincial des Carmes missionnaires de l'Amérique. écrit au ministre Seignelay : " Monseigneur, Apres avoir eté une fois entierement ruinés par les Hollandois dans l’isle de Mariegalande, nous avons creu (touts les autres religieuxs refusant d’y assister les peuples) que la gloire de Dieu, et les services que nous devons icy aux fidels suiets de sa maiesté ne nous permettoient pas de les abandonner sans prestres; ce qui nous avoit obligé d’epuiser les autres maisons de notre mission pour en retablir une dans cette isle abandonnée, mais y aiant eté une seconde fois pillés, bruslés et entierement ruinés, nous vous supplions, Monseigneur, de vous servir de votre charité pour donner quelque secours a trois pauvres religieuxs Carmes, qui malgré toutte la misère, qui est la triste suite du pillage d’un ennemi, n’ont point abandonné ces habitants desolés, a quoy ils auroient eté contraints si nous ne nous etions pas depouillés a la Guadeloupe, tant pour contribuer a les revêtir, nourrir, que pour faire des miserables baraques pour les loger attendant que votre altesse leur fasse quelque gratification ce que nous luy demandons par charité, et ce qui nous obligera a redoubler nos prieres pour la conservation et la prosperité de votre altesse, que nous continuons touts les jours, et moy en particulier qui suis avec un profond respect "…
1691 : A Marigalande, après une nouvelle attaque Anglaise le 23 mars, les 2 Pères Carmes sont cette fois "déportés" le lendemain en Martinique avec les survivants sur le brigantin de M. Roussel...
Dans un Mémoire au Roy, le lieutenant général des Isles De Guitaud et l'intendant Dumaitz se plaignent des Capucins qui laissent " des cures sans aucun religieux pour les desservir", en particulier à la Martinique...
1693 : L’intendant Du Maitz écrit à propos des protestants : " Pour les religionnaires habitués dans les îles, quelques-uns ont exécuté de bonne foi ce qu’ils avaient promis dans leur abjuration, mais la plupart des autres se contiennent en public et l’on ne peut répondre de ce qu’ils sont dans leur particulier " Dumaitz fournit aussi un "Estat des depences que le Roy veut et ordonne " nous donne les appointements du gouverneur, 25.000 livres de sucre, et du "prestre séculier deservant le spirituel" 12.000 livres de sucre, toujours pas de retour des Carmes...
1694 : En Martinique, le Père Jean-Baptiste Labat arrive comme missionnaire dominicain dans la paroisse de Macouba. Les Dominicains sont les religieux les mieux représentés en Martinique, avec 12 religieux et 7 paroisses.
1695 : Les Carmes ne sont pas encore revenus à Mariegalande. Selon la correspondance de l'intendant général Dumaitz du 11 mars : "Le V. Biesse, prestre seculier et estably sur une habitation a la Grandeterre...je luy ai propose de passer a Mariegalande, il s'y rendit avec beaucoup de soubmission, ou il a fait les fonctions curiales jusques a l'arrivée des Carmes auxquels le service de cette isle est tombé en partage"...
1696 : L’intendant Robert écrit dans son rapport au ministre à propos des religieux de la Martinique : " Il semble parce qu’ils exercent les fonctions curiales qu’ils soient dispensés de toutes les règles de leur Ordre. Il en est des Capucins de mesme que des Jacobins à cet égard, et, comme en sortant d’une vie plus austère, ils se trouvent libres et les maistres de toutes leurs actions, ils deviennent encore plus relâchés "…
1698 :L’intendant Robert écrit à propos des protestants qui ont abjuré : "...Ces nouveaux convertis ont une conduite en apparence assez sage. Ils paraissent assez retirés dans leur maison. On n’entend point parler qu’ils fassent d’assemblées ni rien d’approchant. La plupart même de ceux qui ont des habitations et des nègres paraissent assez soucieux d’envoyer leurs nègres à l’église les jours de dimanche et fête, mais quant à eux, leurs femmes et enfants ils se dispensent la plupart d’aller à l’église, d’approcher des sacrements et de tous exercices de la religion catholique, et lorsqu’il en vient à mourir quelqu’un, il meurt ordinairement opiniâtre dans son hérésie, sans vouloir voir ni entendre aucun prêtre. S’ils veulent se marier, quelques-uns se soumettent à cet égard aux cérémonies de l’église, et d’autres cherchent quelques religieux faciles ou quelque aumônier de vaisseau qui les marient sans beaucoup de formalités, ce qui néanmoins arrive rarement " Les protestants sont entrés en résistance…
Devant la menace d'une nouvelle attaque, le gouverneur Auger est chargé de proposer à nouveau l’évacuation de Marie-Galante : il redoute que l’île devienne alors un repaire de corsaires, il préférerait qu’on la repeuple avec des engagés. Les pères Carmes sont de retour à 3, les R.P. Lucien de Saint-Louis, Spiridion et Bernardin.
1703 : Premier acte enregistré sur l’île parvenu jusqu’à nous : le baptème de Pierre Legal, fils de Pierre Legal et Françoise Duverger, administré par le Frère Carme Estienne de Saint Quentin à Capesterre le 26 août…
1706 : A Marie-Galande, les Anglais viennent d’être chassés par Cloche de la Malmaison, qui constate que l’île, sans défense, est restée sans gouvernement, ni juge pendant la guerre, mais qu’une majorité d’habitants sont restés malgré tout : " Il y avoit deux paroisses pendant la paix mais depuis la guerre, on n'a pu y envoyer qu'un Carme qui suffit pour toute l'isle" Le 5 décembre, Barthélémy de la Tour Jean est nommé commandant de l’île. Il trouve 2 curés Carmes en place, le Père Estienne de Saint Quentin " très digne relligieu" » et le Père Gabriel " déréglé dans ses fonctions pastorales comme dans ses mœurs " qu’il fait révoquer et renvoyer en France. Le Père Martin qui le remplace restera 18 mois " ne s’occupa qu’à se promener hors de l’isle…plusieurs personnes moururent sans sacremens ". Il périra dans le naufrage d’une barque en allant à la Martinique, après avoir maudit le capitaine…
L'âge d'or des Carmes sucriers se termine...
1709 : Sur le registre de la paroisse de Capesterre de Marie-Galante, tenu maintenant par le frère Carme Martin de Saint Jacques, 12 baptêmes et 3 mariages.
1712 : Protestant "contre les religieux qui négligent l’instruction des nègres", le gouverneur général Phélypeaux, partisan du baptême sans instruction, écrit : " Les jacobins et les capucins sont très relâchés sur le baptême des nègres adultes. Surtout, les capucins les prolongent trop, plutôt par négligence ou faute de faire leur devoir... Ils consomment un ou deux ans avant que de conférer le baptême, disant qu’il faut instruire les nègres" Il écrit par ailleurs : " Les religieux possèdent plus de terres, meilleures, et plus de nègres que n’en possèdent ensemble tous les habitants de la Basse-Terre "… 1713 : A Marie-Galante, le Père Carme Jacques succède au Père Martin, il part au bout de 3 mois sans laisser d’adresse… Un nouveau Carme arrive 4 mois plus tard, le Père Lucien : " il a un penchant extreme à s’enyvrer " : il crée un scandale lors de la Fête de Notre Dame, incapable d’articuler et fracassant l’encensoir sur l’autel…
Le R.P. Carme Damase est envoyé pour le seconder : " il resta fort peu de temps, s’estant embarassé dans deux affaires d’yvrognerie ", il finit par partir sur un bateau pour Monserrat… Le Père Lucien sera retiré de sa cure sur demande du gouverneur, et remplacé par un nouveau Père Carme plus convenable…
La mauvaise conduite des Carmes de Marie-Galante vaudra à leur Supérieur Des Billettes un courrier de l’administration Royale…
1715 :Mort de Louis XIV après 72 ans de règne… Louis XV, son arrière-petit-fils lui succède à 5 ans, la Régence est assurée par le Duc d’Orléans, son oncle.
1716 : Le marquis de Feuquières intervient dans un conflit entre les Carmes et les Capucins sur la nouvelle paroisse de St François à Basse-Terre. Le Supérieur des Carmes est le R.P. Maximain.
1718 :En Guadeloupe, Savinien-Michel de Lagarrigue de Savigny, gouverneur intérimaire, fournit le nouveau recensement le 20 juin. Sur le plan religieux, il recense 15 paroisses pour 14 bourgs, avec 27 religieux dont 4 Carmes.
1719 : Vaultier de Moyencourt, gouverneur de la Guadeloupe, fournit en décembre un " État des biens appartenant aux religieux de la Charité, Jacobins, Jésuites et Carmes"
1721 :Lettres patentes du Roy en forme d'Edit fixant les privilèges et exemptions des ordres religieux établis aux Isles du Vent
1722 : Couronnement de Louis XV, qui garde le duc d’Orléans comme premier ministre, qui meurt quelques mois après. Le cardinal de Fleury devient premier ministre.
1723 :Arrêt du Conseil du Roy portant exemption de capitation de nègres en faveur des religieux installés aux Isles du Vent.
1724 : Mr Lefebure, est missionné pour rendre une copie annuelle sur " la distribution des fonds faits sur l’Estat du Domaine d’Occident pour les appointements des cures " pour l’ensemble des Isles du Vent.
Pour Marie Galande, il prévoit 12.000 livres de sucre pour chacune des 2 cures tenues par les Carmes, la Conception à Basse-Terre (Grand-Bourg) et Ste Anne à la Capesterre : son rapport sera entériné par l’intendant Blondel.
1725 : Le 8 juillet, le sieur Etienne Guérin abjure la religion calviniste devant le R.P. Simon, Carme...
1727 : Le gouverneur général, le marquis de Feuquière, fait le point sur l'île dans une correspondance adressée au Ministre de la Marine, il parle entre autres des Carmes et de l'établissement de la nouvelle paroisse à Vieux Fort de Mariegalante :
Il précise que "l'Eglise, le Presbytaire et d'autres batimens necessaires pour cette cure seront faits aux depens des nouveaux Paroissiens, aussy bien que la fourniture des ornements"... Il demande aussi la pension habituelle de 540 livres par an pour le nouveau Carme.
1728 : Le lieutenant de Roi Robert Philippe de Lonvilliers de Poincy prend l'intérim du gouverneur Pierre Le Bègue. Il demande le poste de gouverneur par son courrier du 4 février, où il fournit le recensement général dans les 3 paroisses. Il se plaint du manque de prêtres Carmes, quasi permanent depuis l’attaque anglaise de 1691 : 1 ou 2 paroisses en sont régulièrement dépourvues, " des habitants et habitantes sont morts sans les sacrements ". Il demande la création de la paroisse de Vieux Fort Anse du Vent avec un autre ordre, par exemple les Capucins, nommé à ces fonctions curiales, " ces pères servent leur mission avec tant de négligence qu'on peut nommer abandon"…
Le Carme en place " est un jeune homme de 28 ans, altier, paresseux et méprisant les habitants "...
" Il y a environ six mois qu’il détruisit entièrement une sucrerie que son ordre avoit icy, parceque son supérieur ne vouloit pas luy accorder une augmentation de nègres pour la rendre aussi lucrative qu’il la vouloit " : il a ainsi vendu les bestiaux et les nègres en Guadeloupe sans autorisation ni de son supérieur, ni du gouverneur…
Le provincial des Capucins de Rouen, le R.P. Josaphat, se dit prêt à envoyer un missionaire pour créer une nouvelle paroisse à Marie Galande : il n'arriveront pas à venir concurrencer les Carmes...
Le gouverneur général Champigny de Noroy, devant la mauvaise conduite des Jacobins cette fois, décide "...nous ne recevrons dans les Isles du Vent aucuns Religieux Jacobins qu'ils ne soient porteurs de Certificats de leurs Provinciaux de leur bonne vie, moeurs et capacité et nous renverrons en France ceux qui n'en seront pas munis."
1729 : Un "Estat de la distribution" des "Charges Payables par le fermier du Domaine d'Occident est fourni concernant les fonctions curiales des Isles du Vent :
Pour Marie Galande, on retouve les 3 paroisses desservies par les Carmes : La Conception à la Basse-Terre (futur Grand-Bourg), Ste Anne de la Cabesterre, enfin Vieux Fort et Anse du Vent qui vient d'être pourvue d'un prêtre. Pour ces paroisses, les échanges se poursuivent entre le Supérieur des Carmes, Louis de Ste Catherine, le Supérieur des Capucins, Chrysologue, et Longvilliers de Poincy… Les habitants se plaignent du Père Valérien, qui occupe cette cure de Vieux-Fort, il sera remplacé sur ordre du gouverneur par intérim par le Père André, ancien curé séculier de la Guadeloupe. Les Capucins ne peuvent donner suite à la demande de Longvilliers de Poincy... Un nouveau missionnaire Godefroy est envoyé par les Carmes, avec rapidement de nouvelles plaintes...
Par contre à La Conception, le Père Téléphore est très apprécié.
1730 : Le Père Carme Godefroy est renvoyé en France par son supérieur et n’est pas remplacé dans sa paroisse par "manque de missionnaires".
1733 : Le "Bordereau des recettes et dépenses concernant l'estat des charges du Domaine d'Occident aux isles françoises du Vent de l'Amérique pour l'année 1733 suivant le compte arresté par M. d'Orgeville, intendant" nous donne "la subsistance des cures aux Isles du Vent ":
1734 : Le gouverneur Lonvilliers de Poincy écrit à l’intendant d’Orgeville et lui signale entre autres qu’il a renvoyé le père Carme Rodolphe pour " yvrognerie et insultes ", il partageait son "yvrognerie" avec le lieutenant La Chaussée et le chevalier Du Boetier qui seront aussi expulsés par le gouverneur... Il l’a fait remplacer par le père Yves.
1737 :La cure de Vieux Fort est à nouveau vacante, faute de missionnaire, malgré les relances du gouverneur général auprès du Supérieur des Carmes :
Dans le "Mémoire du Roy pour servir d’instruction au Sieur De Lacroix, intendant des Isles du Vent" sont détaillés les ordres religieux responsables des paroisses : "Les Carmes n'en ont que peu, et ne sont établis qu'à la Guadeloupe et à Marie Galande"
1741 : Le supérieur des Carmes pour les Isles du Vent, Henry de Saint Sauveur, fournit à l’Intendant général l’état de ses missions, avec 7 paroisses, 3 en Guadeloupe, 1 aux Saintes et 3 à Marie-Galante.
Pour Marie-Galante, le Carme chargé de la paroisse de la Conception du quartier de la Basseterre (futur Grand-Bourg) a un revenu de 540 livres du Domaine et environ 300 livres de frais pour la messe, la maison conventuelle, sa subsistance, 3 esclaves et 1 cheval. Celui de Ste Anne de la Capesterre reçoit aussi 540 livres du domaine, mais avec 600 livres de frais. Enfin celui de St Joseph à Vieux-Fort toujours 540 livres et 200 de frais. Le supérieur se plaint que les terres concédées par l’ancien gouverneur De Boisseret " nous étois plus dommageable qu’avantageuses. D’ailleurs nous n’avons pas le moyen d’y mettre des nègres pour les faire valoir. En temps de guerre, l’ennemy a enlevé deux fois ceux qui y estoient "
1742 : A l’Eglise de la Conception de Grand Bourg, moins de 3 pages et 10 actes pour le curé de la paroisse, le R.P. Carme Télésphore. L’île vit au ralenti… A Vieux Fort, Jean Sarragot et sa femme Elisabeth Moore font baptiser leur fils Jean Baptiste par le R.P. Carme Stanislas de Coetdihuel. 15 actes cette année pour le curé de Vieux Fort. Par contre, 37 actes pour le curé de Capesterre, le R.P. Carme Cyrille, dont le baptème d’Alexis, 6 mois, caraïbe : le parrain est le sieur Lebrun Cognet, la marraine Françoise Fontaine. Capesterre semble avoir été un peu préservée par le cyclone de 1738, son économie est moins dépendante du sucre…
1743 : Déclaration du Roy "portant que les ordres religieux ou communauté établis dans les colonies françaises ne pourront acquérir aucune terre ou maison, ni former aucun établissement sans la permission du Roy, sous peine de confiscation et de réunion au Domaine"
Le Gouverneur Général des Isles du Vent, Jacques Bochart seigneur de Champigny et l'Intendant général César Marie de La Croix ont demandé en août 1741 un "Estat des revenus des différents ordres missionnaires". Il est fourni pour les Carmes en février 1743 par le R.P. Henry de St Sauveur, supérieur de la Mission :
On voit que les Carmes possédent 2 habitations à la Guadeloupe qui leurs rapportent peu "depuis quelles années que cet isle a été affligée d'ouragan"... "Ils ont une autre habitation à Marie Galande qu'ils ont laissé en friche depuis que les Anglois ont pillé et enlevé ce qui était dessus lors de la dernière guerre" " Les pensions qu'ils recoivent du Roy montent à 3.645 livres"..."Ils n'entrent dans aucun détail de leurs dépenses, ils disent seulement qu'elles excédent leur recette de plus de moitié". " Ils ne desservent en tout que 3 cures a la Guadeloupe, 3 a Marie Galande et une aux Saintes"
1753 : Le nouveau gouveneur général Maximin de Bompar et l'intendant général Charles Marin Hurson prennent une ordonnance pour fixer le nouveau tarif des droits curiaux dans les Isles du Vent, qui semblaient inadaptés et variables :
On voit que les baptêmes, mariages, sacrements et levée de corps sont gratuits pour les pauvres, tout le reste est payant...
Le Supérieur des Jésuites écrit " au sujet d’une Confrérie de Negres qu’on vouloit établir à la Guadeloupe…qu’un pareil établissement étoit tout à fait contraire aux intentions de sa Majesté et qu’ils eussent grand soin de défendre aux Missionnaires, qui étoient sous leur conduite, de faire aucune assemblée d’esclaves, sous quelques prétextes que ce pût être, et leur en avoir fait sentir les funestes inconvénients, qui pourroient en résulter "
1761 : Un Mémoire précise l'obligation pour les Préfets apostoliques d'enregistrer leur nomination "aux Greffes des Conseils Supérieurs des Colonies"
A Marie Galante, le R.P. Eugène de Saint Joseph arrive comme curé Carme de Capesterre, ce créole de la Martinique, pour l’état civil Noël Joseph Martineau, est le frère ainé du futur notaire marie-galantais Louis Joseph Martineau, alors encore greffier au tribunal.
1763 : En mai, le gouverneur Joubert fait faire l’inventaire des biens des 3 paroisses administrées par les Carmes : à Grand-Bourg, le curé est le Père Léandre Cabarel, à Capesterre, le curé est le Père Eugène Martineau, à Vieux-Fort, le curé est le Père Jacques Henriot.
Le 25 décembre, les vices-préfets apostoliques des 3 Ordres présents à la Guadeloupe (Dominicains, Capucins et Carmes) écrivent au gouverneur et à l’intendant " de tenir la main à l’exécution des ordonnances qui engagent les maîtres à nourrir leurs esclaves "
La Compagnie de Jésus a été dissoute suite à une banqueroute, la présence des Jésuites aux Antilles et en particulier en Martinique est stoppée…
1764 : Ordonnance du marquis de Peynier, intendant de la Guadeloupe, concernant l'obligation, pour les curés de l'île, de tenir les registres des baptêmes, mariages et sépultures.
1767 :Les Carmes échangent de leur habitation, appelée Bellevue, située à Marie-Galante, avec celle dite du Dos-d’Ane (futur Gourbeyre), appartenant à Beausoleil de Vermont, située en Guadelou
1773 : Edit de Louis XV en mars qui ordonne que les paroisses des îles seront à l'avenir desservies par des prêtres séculiers portant le nom de missionnaires, sous l'autorité de 2 vicaires apostoliques, l'un en Martinique, l'autre à St Domingue : l'Edit décharge les Ordres religieux de la desserte des paroisses et leur ordonne de se retirer dans les maisons de leur ordre qui leur seront indiquées par leur Supérieurs. Le pouvoir royal décide d’envoyer des prêtres séculiers choisis par leurs évêques et approuvés par le duc de Choiseul.
1774 :Mort de Louis XV après 58 ans de règne. Louis XVI lui succède à 19 ans.
L'Edit de mars 1773 a déclenché des constestations multiples qui vont aboutir à son annulation en septembre 1774, car selon un Mémoire : "les Religieux ont enlevé à la culture des terres... plusieurs de ces missionnaires sont revenus en France, quelques uns sont passés dans les Isles Anglaises et leurs paroisses sont sans pasteur"...
1775 : Le R.P. Lambert Girardin, Provincial des Carmes de Touraine, écrit le 20 janvier au ministre De Sartine pour obtenir le passage en Guadeloupe du R.P. Vincent Pocard en remplacement du R.P. Richard, gravement malade. Il demande une place sur le frégate La Pourvoyeuse. Le ministre lui répond le 31 janvier que la frégate a déja "mis à la voile et qu'il faut chercher une autre"...
Une liste des cures est établi pour les missions de la Martinique, de la Guadeloupe et dépendances ainsi que pour St Domingue.
Pour Marie Galante, on retrouve toujours des Carmes : le Père Cahurel à Grand Bourg, le Père Martineau à La Capesterre et le Père Fraval au Vieux Fort.
La carte anglaise de Jefferys localise parfaitement l'Eglise de la Basse-Terre, futur Grand Bourg ainsi que la chapelle et l'habitation sucrière des Carmes.
1776 : Le comte d'Arbaud, dés son arrivée comme gouverneur de la Guadeloupe, supprime les pensions des curés Carmes et Dominicains.
1777 : Le gouverneur général des Iles du Vent, le marquis de Bouillé écrit : "La haute police de la religion est entre les mains des administrateurs. Dans les colonies, il n’y a point d’évêque. Des préfets apostoliques qui sont à la tête des différentes missions composées de religieux de différents ordres desservent les paroisses ; ils prennent leurs pouvoirs du pape, et sont pour la discipline, aux ordres des administrateurs qui réunissent les pouvoirs temporels des évêques, et dont le tribunal remplace celui de l’officialité en France et dans les autres États catholiques de l’Europe ; les curés sont amovibles et peuvent être déplacés, soit par les administrateurs, soit par leurs supérieurs ecclésiastiques"
Les Pères Capucins des Isles du Vent ont obtenu fin 1776 un Bref Papal de Benoit XIV les autorisant à "conférer le sacrement de confirmation". En décembre, le Préfet Apostolique des Carmes et le Vice Préfet de la Mission des Carmes demandent "les mêmes pouvoirs"...
1779 : Arrivée du père Carme Pierre Joseph Toulmé comme curé de Vieux Fort et du père Carme Eugène comme curé de Capesterre.
1781 : Louis XVI prend une ordonnance qui confie aux gouverneurs et intendants la police du culte et le contrôle des préfets apostoliques.
1783 :Stephano Borgia, secrétaire de la Propagande de la Foi à Rome, transmet au père Stanislas Travers sa nomination en tant que préfet apostolique de la mission de la Guadeloupe et dépendances, signée du Cardinal Antonellus. Le R.P. Travers demande son enregistrement pour pouvoir nommer un vice-préfet.
1784 : Le curé Carme Vianney est aussi aumônier de l’Hôpital Militaire : il atteste le 10 février que le canonnier Pierre Neidit est mort muni des sacrements et qu’il a été enterré au cimetière de l’Hôpital.
1785 : Les protestants français n’ont pas droit au mariage religieux, ce qui pose un problème d’état civil…. La Fayette, de retour de la guerre d’Indépendance américaine, milite en faveur de « l’émancipation » des protestants français. Il entre en contact avec le nouveau député général des Églises du Désert, le pasteur Rabaut Saint-Étienne, qui, par son intermédiaire, rencontre le ministre d’État Malesherbes, favorable de longue date à l’idée d’un mariage civil pour les protestants.
A Marie-Galante, le Père Carme Toulmé quitte la cure de Vieux Fort pour celle de Grand Bourg
1787 : Edit de Tolérance signé par Louis XVI en novembre concernant " ceux qui ne font pas profession de la religion catholique " : il rend l’état civil aux protestants, le droit de faire enregistrer les mariages et les naissances devant un juge royal ou un curé en qualité d’officier d’été civil.
1788 : Le Parlement va enregistrer l’Edit le 29 janvier, non sans avoir préalablement précisé que la religion catholique demeure bien la religion officielle du royaume.Il admet l’existence d’un culte privé différent (protestant ou juif) quoique l’exercice du culte public demeure interdit. Il marque la fin officielle des persécutions. L’accès aux charges publiques et à l’enseignement reste interdit aux non-catholiques.
1789 : Réunion des Etats Généraux le 5 mai à Versailles : sur 1.165 députés, le Clergé en compte 291 dont 208 simples curés, la Noblesse 270 et le Tiers Etat 578. Le 17 juin, l’Assemblée Nationale prend le nom de Constituante : la majorité des députés du Clergé et 47 de la Noblesse ont rejoint le Tiers Etat… L'Assemblée Nationale décrète le 2 novembre que "tous les biens des écclésiastiques qui sont mis à la disposition de la Nation"
Le 6 novembre, Louis XVI devient Roi des Français, monarque constitutionnel et doit quitter Versailles pour Paris.
1790 : Loi du Retour : Un état civil est donné aux protestants et aux descendants de protestants ayant quitté la France pour fait de religion, en particulier après l’Edit de Fontainebleau révoquant l’édit de Nantes.
Le décret du 16 février interdit les voeux monastiques et supprime les Ordres religieux, dont les Carmes qui vont devoir disparaitre pendant près de 15 ans...
1791 : La Loi du 22 juillet garantit le "libre exercice de tous les cultes"
1792 : Le Père Carme Toulmé se réfugie en Dominique devant l’imminence des troubles révolutionnaires…
1793 : Le 25 juin, le père Toulmé, de retour à Marie-Galante, se marie avec Marianne Victoire Balois, mineure autorisée par sa mère tutrice, qu'il va mettre enceinte chaque année... Cela ne l’empêchera pas de continuer son activité de curé pendant 1 an, il sera ensuite "garde magasin de la République", puis instituteur et finira " propriétaire bourgeois "...
Le 23 novembre, la Convention promulgue le décret de Fermeture des églises et le 24 la suppression du calendrier grégorien... Dans beaucoup de régions, les troupes révolutionnaires vont piller les églises et fondre les cloches pour en faire des canons...
1794 : Robespierre introduit le Culte de l’Être Suprême par décret du 7 mai, ce culte disparaitra avec lui...
1795 : Fin de la Convention, mise en place du Directoire. La réouverture des Églises démarre à partir de mai...
1796 : En Guadeloupe, lors de la mise en place d’une imposition spéciale, les esclaves des ateliers religieux sont recensés : les Frères de la Charité ont 215 nègres, les Carmes 157 et les Jésuites 139…
1797 : Le 19 mars, devant notaire, l'Abbé Claude Florent Bouchard de la Potherie prend la succession de l’Abbé de Montecote, décédé, à la paroisse Saint Joseph du Vieux Fort. Il a été nommé par le R.P. Rimi le Roi, supérieur des Carmes et vice-préfet apostolique pour les Isles du Vent.
1802 : Le 2 décembre, suite au Concordat passé en 1801 avec le pape Pie VII, le Premier consul prend un arrêté qui réorganise les églises dans les colonies : " Art. 3. A l'avenir, les préfets apostoliques seront nommés par le Premier Consul ; ils recevront du Pape leur mission épiscopale, et de l'archevêque de Paris leur mission ordinaire ; ils pourront être révoqués à volonté par le Premier Consul ; ils ne seront aptes à exercer leurs fonctions qu'après avoir rempli les conditions portées dans l'article précédent. Les préfets apostoliques seront mis en possession par l'ecclésiastique que l'archevêque de Paris désignera. Art. 4. Les curés en exercice seront pareillement confirmés, en prêtant par eux, entre les mains du préfet colonial ou tel fonctionnaire que le préfet colonial désignera, le serment prescrit par l'article 2. Art. 6. Les préfets apostoliques ne pourront publier, ni autrement mettre à exécution, aucun bref, bulle, rescrit, mandat, et autres actes émanés du Pape ou d'un supérieur ecclésiastique étranger, sans l'autorisation formelle du Capitaine-général. Art. 7. Les prêtres qui desservent actuellement, ne pourront être assistés ou remplacés que par des ecclésiastiques agréés par le Gouvernement et munis de lettres démissoriales de l'archevêque de Paris. Art. 8. Les propriétés appartenant aux missions continueront à être administrées comme par le passé et leurs revenus seront employés aux traitements des ministres du culte sans distinction : la quotité en sera fixée par le Capitaine-général."
1804 : Le 25 mars, 4 Germinal an XII, " le citoyen Jean Louis Denis Maignial, digne prêtre du diocèse de Montpellier " prend possession devant notaire de la cure de l’église paroissiale de Grand-Bourg, qui lui a été accordée par le préfet apostolique François Auguste Trepsac.
Les Carmes, seule congrégation religieuse présente depuis 1660, ne feront plus jamais parler d’eux à Marie-Galante, ils sont remplacés par un clergé séculier…
1825 : L'église de Grand-Bourg a été détruite par le cyclone du 26 juillet. Les habitants des 4 communes alors existantes (Grand-Bourg, Grand-Bourg Campagne, Capesterre et Vieux-Fort-Saint-Louis) entreprendront de la rebâtir à frais communs. Le gouverneur Jacob écrit à cette occasion : " Les 3 paroisses de Marie-Galante étaient autrefois desservies par les Carmes ; 1 seul curé les administre aujourd’hui "...
Par la suite, au travers des périodes royalistes, impériales, républicaines, les prêtres des paroisses seront séculiers, comme aujourd’hui. Seule l’éducation restera du domaine des religieux, avec en Guadeloupe les Sœurs de St Joseph de Cluny pour les filles à partir de 1822, puis les Frères de Ploermel pour les garçons à partir de 1838. En 1848, peu après l’abolition de l’esclavage, le 2ème République votera le 2 mai la loi rendant l’école primaire gratuite et obligatoire dans les colonies, mais elle restera confiée aux religieux. Il faudra attendre la 3ème République avec la loi du 28 mars 1882 de Jules Ferry pour voir apparaitre l’école primaire laïque et obligatoire…